Jean Guéhenno et Paul Claudel, Roger Martin du Gard et André Gide, Victor Klemperer et Max Jacob, Drieu La Rochelle et Henry de Montherlant et bien d’autres encore, hommes de bien ou collaborateurs notoires sont appelés à la barre de témoins. La presse, y compris celle de Palestine juive, le « Yichouv », est consultée. Chaque jour amène son lot terrible de mesures iniques et d’arrestations arbitraires. Communistes juifs emprisonnés, résistants fusillés, populations raflées et déportées…
Le transfert des biens de la communauté juive à l’U.G.I.F., créée le 8 janvier 1942, est suivi pas à pas. Le 8 mars, première fournée avec des dizaines d’associations juives dissoutes et transférées. Parmi elles, l’ENIO et l’ORT. Le 21 mars, c’est au tour, notamment, de l’OSE, des E.I. de Moissac, du KKL de Lyon et du Keren Hayessod de Vichy. Le 1er mai, entre autres, le collège Maïmonide et le Toit familial. Et ainsi de suite, tout au long des semaines. En Algérie, le 14 février 1942, le ministère de l’Intérieur décrète l’institution d’une Union Générale des Israélites d’Algérie. Elle remplira les mêmes tâches que celles assumées par l’U.G.I.F. mais n’aura qu’une activité réduite jusqu’au débarquement. En décembre 1943, alors que l’infâme Jacques Doriot reçoit la Croix de Fer allemande, que le maréchal Pétain rencontre Otto Abetz, que des milliers de Juifs sont déportés, parmi lesquels Raymond-Raoul Lambert, grande figure de la communauté juive de France, avec sa femme et ses quatre enfants, que l’ancien Grand rabbin de Strasbourg, René Hirschler est arrêté à Marseille et qu’Eisenhower est nommé commandant suprême des forces alliées en vue du débarquement, l’auteur note la création du Conseil Représentatif des Israélites de France, le futur CRIF .
En annexe, des listes édifiantes de centaines de Juifs d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, arrêtés en France et déportés dans les camps de la mort sont proposées avec dates de naissance et numéros et dates des convois (1)
On y trouve également la liste des enfants et adolescents dont le dernier domicile était situé en banlieue parisienne sur les listes de déportés.
Il n’y a que deux illustrations dans cet ouvrage, mais elles sont édifiantes. L’une en couverture, représente la famille Bénichou (10 personnes). Elle a été déportée par le convoi n°58 du 31 juillet 1943 et l’autre en quatrième de couverture, représente la famille Touitou (12 personnes), qui a été déportée par le convoi n°76 du 30 juin 1944. Deux documents exceptionnels fournis par le Mémorial de la Shoah/CDJC.
Un ouvrage utile, émouvant et très intéressant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Pro-Arte (Semaine de la Mémoire). Janvier 2009. 296 pages. 20 euros
(1) De telles listes ont déjà fait l’objet de publication. Ainsi, pour ce qui est de l’Algérie, Jean Laloum, dans Les Juifs d’Algérie, Éditions du Scribe, 1987, dresse la liste nominale des centaines de déportés juifs d’Algérie, avec un certain nombre de photos, en précisant qu’aucune déportation ne s’est effectuée à partir du territoire algérien.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la Tunisie, on pourra lire à ce sujet, de Paul Ghez : Six mois sous la botte. Éditions S.A.P.I., 1943, Nos martyrs sous la botte allemande, de Gaston Guez qui dresse la liste des victimes, raflées, elles, en Tunisie, avec de nombreuses photographies, Les Juifs de Tunisie sous Vichy et l’occupation de Jacques Sabille. Éditions du Centre, 1954 et, plus récemment, de Frédéric Gasquet, La lettre de mon père. Une famille de Tunis dans l’enfer nazi, préfacé par Serge Klarsfeld. Éditions Le Félin. 2006, ouvrage recensé dans notre Newsletter du 29-09-06.
Pour ce qui concerne le Maroc et l’Afrique du Nord en général, on consultera avec intérêt, de Michel Abitbol, Les Juifs d’Afrique du Nord sous Vichy. Éditions Maisonneuve et Larose. 1983