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Publié le 30 Avril 2010

Comme les cinq doigts de la main (*)

Situé quelque part entre « Le Grand Pardon » et « Rocco et ses frères » avec un petit zeste de « Coup de Sirocco », le nouveau film d’Alexandre Arcady est un thriller endiablé, un polar bien ficelé que d’aucuns estimeront peut-être un peu tiré par les cheveux, mais que l’on suit de bout en bout à en perdre l’haleine.




Après les Bettoun du « Grand Pardon » réunis autour du patriarche omniscient et omnipotent, Raymond Bettoun, interprété, on s’en souvient par Roger Hanin, voici les Hayoun, des Juifs originaires de Bougie, en Algérie. Cinq frères, soudés et solidaires comme les cinq doigts de la main et une mère qui, après la mort accidentelle de son mari, Raymond (tiens donc !) a élevé, seule, ses cinq garçons. Chacun dans son domaine, quatre des cinq frères Hayoun semblent avoir plus ou moins réussi leur vie professionnelle comme leur vie familiale. L’aîné, Dan (Patrick Bruel) est restaurateur. Si son fils, qui arbore par défi un foulard palestinien lui donne quelques soucis et si les affaires ne sont pas ce qu’elles étaient dans le temps au point qu’il envisage d’engager un chef asiatique moins exigeant que le cuisinier actuel, sa vie de Juif parisien est relativement tranquille. Tout comme le sont celle de Jonathan Hayoun, pharmacien aisé, de Julien Hayoun (Eric Caravaca) enseignant de son état et de Michaël Hayoun ( Mathieu Delarive), joueur de poker professionnel. Très proches de leur mère Suzie Hayoun (Françoise Fabian), les quatre frères sont sans nouvelles depuis longtemps du cinquième larron, David Hayoun (Vincent Elbaz qui joue également de manière furtive le rôle du père, Raymond). Il semblerait qu’il vive à Marseille, menant une vie dissolue et fréquentant des individus pour le moins peu recommandable. Et c’est lorsque ce frère disparu réapparaît sans crier gare et dans des conditions aussi dramatiques que rocambolesques que le film s’emballe. Grièvement blessé, ensanglanté, David est poursuivi par un gang marseillais impitoyable qui veut à tout prix récupérer une forte somme qu’il accuse David d’avoir détournée. Dès lors, il n’y a pas à réfléchir, à se poser des questions d’ordre moral. La solidarité familiale va jouer à fond et les cinq frères Hayoun vont tout faire pour préserver l’intégrité physique de la famille.



Françoise Fabian est plus vraie que nature en mère juive pied noir rapatriée d’Afrique du Nord. Tout y est : l’accent, la cuisine de là-bas, la nostalgie, le chauffeur et confident Lakdar (Amidou). On notera la belle composition de Michel Aumont dans le rôle de l’oncle, Maurice Atlan, un hypocrite hors pair dont les manigances finiront par apparaître au grand jour.



La question que pose ce genre de film est récurrente. Si, comme le souhaitait en son temps, David Ben Gourion, la normalité du peuple juif serait avérée le jour où il y aurait en son sein autant de voleurs, de criminels et de prostituées qu’au sein des autres groupes humains, est-il nécessaire, est-il souhaitable, que des histoires comme celle qui nous est proposée ici, mettent en avant la judéité de « brigands » juifs ? La problématique est ouverte. Reste, c’est un fait, que le film est plaisant et qu’on le suit avec intérêt jusqu’au dénouement inattendu.



Jean-Pierre Allali



(*) D’Alexandre Arcady. 1h57. Avec Patrick Bruel, Vincent Elbaz, Pascal Elbé, Eric Caravaca, Mathieu Delarive, Françoise Fabian, Caterina Murino, Philippe Nahon, Amidou, Michel Aumont, Etienne Chicot, Judith El Zein, Lubna Azabal et Moussa Maaskri



Photo : D.R.