Ainsi, sur l’Iran, Goldnadel est sans ambages : « Il n’a pas le droit de posséder d’armes nucléaires » et « S’il ne laisse aucune autre possibilité de réponse que des actes de guerre, il y aura ces actes de guerre, des Etats-Unis ou plus vraisemblablement d’Israël » tandis qu’Adler semble plus mesuré : « Je pense que le curseur s’arrêtera sur une valeur moyenne de compromis » et, pour être plus précis : « Si Ahmadinejad est éliminé, si une nouvelle direction émerge à Téhéran, alors je pense qu’un compromis, même boiteux, vaudra mieux qu’un affrontement militaire ».
Ainsi aussi, à propos de la Turquie dans l’Europe : « Je suis personnellement très favorable », affirme Adler qui ajoute : « La Turquie est en Europe ». ce qui fait bondir Goldnadel : « L’Europe est historiquement judéo-chrétienne », « La Turquie n’est pas en Europe ». Comment imaginer « associer au destin de l’Europe, l’Etat le plus avancé de l’islam » ? Et, malgré l’argument des excellentes relations diplomatiques et militaires entre Israël et la Turquie, Goldnadel reste sur ses positions, manifestant son « total désaccord ». « Je n’ai pas envie que dans dix ou vingt ans, l’archevêque de Paris, à l’instar de celui de Cantorbéry, en vienne à prôner l’application d’une partie de la charia en Europe, au nom d’une nouvelle réalité démographique ».
Sur le conflit israélo-palestinien, peu de divergence. A Goldnadel qui fait remarquer que « les Arabes disposent déjà d’un Etat sur une grande partie de la Palestine historique », Adler ajoute : « il n’y a jamais eu de peuple palestinien ». Et si peuple palestinien il y a, il « a fait preuve d’une telle immaturité politique » que « ce n’est pas un interlocuteur valable pour bâtir un projet commun ». Mais comme il convient de rester positif, le dernier mot revient à Goldnadel : Je suis pour un règlement sérieux, sans lyrisme ni embrassades ».
Selon Clément Weill-Raynal, le communautarisme est « l’un des nouveaux périls qui menacent la cohésion de la République ». Pour Adler, bien qu’il existe une « ambivalence constitutive de l’identité juive », « la communauté juive doit exister et elle doit embrasser le plus grand nombre de Juifs possible ».
La France raciste, antisémite ? Attention, avertit Adler, qui rappelle qu’il a été « vidé de TV5 pour sionisme » et qu’il a « été traité de mythomane sioniste par un plumitif de Libération » : « nous avons en France un antisémitisme organisé, solidaire d’un racisme organisé, et qui peut, sous des formes diverses, faire retour ». « Goldnadel, qui rappelle que les excellents rapports Rufin et Obin ont été « enterrés », considère qu’ « à partir du moment où les racistes sont de gauche, où les antisémites avancent masqués par un keffieh palestinien, où l’opprimé idéal devient oppresseur, les repères si commodes se brouillent ». Sans oublier la « tendance très lourde d’une partie de la bourgeoisie juive prétendument éclairée » à hurler avec les loups. Ce qui fait dire à Adler : « Je hais les alterjuifs bien plus que les antisionistes ».
Quelle identité nationale pour la France ? Est-ce que l’immigration, notamment extra-européenne, met en danger l’identité nationale ? Que penser du métissage ?
Fustigeant le rapport Attali qui préconise un renfort migratoire, Goldnadel cite de Gaulle selon Peyrefitte : « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon la France ne sera plus la France. Nous sommes avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne ». Andante ma non troppo donc et Goldnadel précise : « Je ne blâme aucunement le métissage, mais je blâme ceux qui le prônent comme un progrès de la race humaine ». Et d’ailleurs, « si, par l’absurde, la France devenait majoritairement juive ou noire, ce ne serait plus la France ». Adler opine du chef : « Tout processus d’immigration massif non contrôlé conduit à un moment ou à un autre à un déséquilibre et à une remise en cause de l’identité nationale ».
Faut-il honnir les journalistes ? Faut-il haïr les magistrats, faut-il montrer du doigt les intellectuels ? « Les journalistes français sont dans l’ensemble de bons journalistes » affirme Adler. Oui, mais, attention : « 80% des journalistes se déclarent de gauche ou d’extrême gauche », signale Goldnadel. C’est que « la presse française est beaucoup trop étatisée, elle est beaucoup plus timorée et beaucoup plus tributaire des grandes autorités de l’Etat », explique Adler. Quant à l’existence d’une « sainte alliance » entre la justice et les médias suggérée par Weill-Raynal, Goldnadel confirme : « il existe, effectivement, une sorte de tandem presse-justice qui, objectivement, s’alimente et se protège de manière harmonieuse ». Là où le bât blesse, explique Adler, c’est qu’il y a « un certain nombre de magistrats qui clairement pensent que la cause palestinienne est une bonne cause et que si des Juifs en subissent quelques retombées sur leur personne en France, dès lors qu’elles ne dépassent pas une certaine limite, eh bien ces retombées ne sont pas illégitimes, en tout cas elles ne doivent pas être punies avec la même sévérité que l’on aurait, par exemple, pour des skinheads ou des militants du Front national qui se livreraient aux mêmes exactions ». Et pour ce qui est des intellectuels : « ils ne méritent actuellement ni un excès d’honneur ni un excès d’indignité » estime Adler. Goldnadel en a, lui, après les « pseudo-intellectuels », à la « gauche caviar » et à « l’intelligence des gens du spectacle, résistants par intermittence ». Sans oublier la « caste vétilleuse des « intellectuels juifs de gauche » », « intouchables parmi les intouchables ».
Pour finir, quid de la Shoah ? En parle-t-on trop ? Devrait-on arrêter d’en parler ? Goldnadel : « Ce rappel incessant de l’Holocauste a fini par s’avérer délicat, voire contre-productif », « La Shoah a été mise à toutes les sauces et a fini par se retourner contre ses victimes et l’Etat juif ». C’est vrai, hélas, reconnaît Adler qui constate, lui-aussi, cette « « shoatisation » de la vie quotidienne » qui fait qu’aujourd’hui on désigne par Shoah « à peu près tout et n’importe quoi, y compris le dépérissement de la langue basque dans le département français des Pyrénées-Atlantiques ». Et il conclut : « je souhaiterais moins d’intérêt pour les Juifs morts et plus pour les Juifs vivants ».
Tout au long de cette conversation édifiante et pleine d’enseignements, les intervenants auront montré qu’ils n’ont pas leur langue dans leur poche et sont capables, à l’occasion, de lancer de belles piques : « Les Irlandais qui avaient choisi, lors de la Deuxième Guerre mondiale, le camp des dictatures fascistes », Gandhi traité de « fakir irresponsable », pour Alexandre Adler qui fustige « Zeev Sternhell qui compare Ben Gourion à Pilsudski ou A.B. Yehoshua qui n’a que le mot fasciste à la bouche pour dénoncer la droite israélienne », « les coquecigrues révisionnistes d’un Norman Finkelstein », « les billevesées pathologiques d’un Eyal Sivan » pour Gilles-William Goldnadel, qui range Esther Benbassa, « notre Séquanaise », dans la catégorie des « idiots utiles » au sens stalinien et considère Michael Moore comme « un histrion caricatural et caricaturant, enragé et malhonnête ».
Très vif, très incisif. Très fresh, en un mot. A lire.
Jean-Pierre Allali
(*) En collaboration avec Clément Weill-Raynal. Editions Jean-Claude Gawsewitch. Mars 2008. 256 pages. 19,90 euros
(1). Rony Brauman, Alain Finkielkraut. La discorde. Israël-Palestine, les Juifs, la France. Conversations avec Elisabeth Lévy. Editions Champs Essais. Février 2008