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Publié le 27 Septembre 2004

De la discrimination positive Par Éric Keslassy (*)

Faut-il avantager certaines catégories de la population française pour permettre une véritable égalité des chances ? Comment, sans soulever de polémiques, peut-on rétablir l’égalité républicaine. La nomination, récemment, d’un « préfet musulman » a soulevé tout un ensemble de questions. On se demande si la France est sur le point d’emboîter le pas aux Etats-Unis dans l’esprit de la mise sur pied d’un programme de type « affirmative action ». Pour Éric Keslassy, sociologue, ce n’est pas la bonne voie. Car si la discrimination positive s’avère nécessaire, elle ne doit absolument pas se faire sur la base d’un caractère inné : couleur de la peau, sexe, ethnie, religion…



La bonne voie, pour l’auteur, est celle d’un « traitement différencié et préférentiel fondé sur des critères sociaux-économiques ». Et d’ailleurs, précise-t-il, « la discrimination positive « ethnique » va à l’encontre du premier article de la Constitution de 1958 qui stipule que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » ».

En fait, les choses, dans notre pays, sont déjà bien lancées et, sans se l’avouer, la France, qui, soit dit en passant, « n’a aucun intérêt à imiter benoîtement l’exemple américain, s’est lancée dans une pratique de discrimination positive. Qu’on l’appelle « action positive », « mobilisation positive », promotion positive » ou « politique positive » », les faits sont là. Le principe sacro-saint de la « méritocratie » ne suffisant plus à assuré l’égalité des chances, il convient d’explorer d’autres pistes car « la République ne peut pas accepter que ses fondements soient bafoués par la réalité ». Il faut donner plus à ceux qui ont moins. Et comme la discrimination positive, pour être acceptée et pour réussir, ne peut reposer que sur des critères objectifs, un choix s’impose naturellement, celui de la dimension socio-économique.

Ainsi, affirme Éric Keslassy, dans une société où la situation sociale est devenue intolérable, il faut que les détenteurs des revenus les plus élevés renoncent à certaines aides tout en acceptant de continuer à contribuer plus que les autres. Les dangers d’une telle politique ne manquent pas et il faudra être vigilant car certains citoyens risqueraient de se transformer en « profiteurs ». Mais le jeu vaut la chandelle si on veut enclencher une véritable logique de rattrapage. Aujourd’hui, les enfants de cadres ont 51 fois plus de chances que ceux d’ouvriers d’accéder aux bonnes places plutôt qu’aux mauvaises. « La reproduction sociale des élites est une réalité statistique » qui ne peut pas perdurer. Sauf à entraîner, sur fond d’immobilisme, une explosion.

« La discrimination positive « socio-économique », affirme avec force Éric Keslassy, permet à la fois de rendre lisible notre démocratie et de combattre le communautarisme ». Un petit opuscule argumenté qui incite à la réflexion.

Jean-Pierre Allali


(*) Éditions Bréal. Mars 2004. 96 pages. 7, 50€