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Publié le 18 Janvier 2010

Des barbares dans la cité - Réflexions autour du meurtre d’Ilan Halimi, par David Mascré (*)

Comme beaucoup de nos concitoyens, horrifiés, épouvantés par le meurtre d’une barbarie inouïe et aux motifs antisémites avérés, du jeune Ilan Halimi en février 2006, David Mascré tente de répondre à la question, la seule en fait qui vaille la peine d’être posée afin de lui trouver une réponse : comment, en terre d’Occident, en France, pays des Droits de l’Homme, en ce début de troisième millénaire, une telle ignominie a-t-elle été possible ? Pour venir à bout d’un tel travail d’analyse, il faut, c’est certain, avoir le courage de regarder la vérité en face, d’oser nommer les choses et les événement, d’appeler un chat un chat, au risque et, cet auteur le prend, d’aller à contre-courant des idées actuellement reçues et de la bien-pensance dans laquelle nous baignons depuis un certain nombre d’années.



Dans sa quête de la vérité, l’auteur commence par remonter le cours du temps depuis ce 17 janvier 2006 où Ilan, comme tous les matins, se lève pour aller travailler dans le magasin de vente de téléphones mobiles où il est employé. La suite, abondamment rapportée par la presse, est désormais connue : le stratagème de l’appât, Yalda, Sceaux, Fofana et ses gros bras, le rapt, Bagneux et le début d’un terrible calvaire. Le mail aux parents, la demande rançon, la détention éprouvante de l’otage, l’action de la police et ses « ratages », le message sur son portable à un rabbin, la rançon, qui passe de 450 000 euros à 112 000 euros. La fin de la séquestration, le 13 février 2006. Ilan est retrouvé mourant à Sainte-Geneviève-des-Bois. Youssouf Fofana, en fuite en Côte d’Ivoire sera arrêté à Abidjan et extradé vers la France le 5 mars 2006.
Le 23 février, des milliers de personnes défilent dans Paris. Le président du CRIF, Roger Cukierman presse le gouvernement français de « fournir la vérité, toute la vérité sur cette affaire et, notamment, sur la motivation des assassins ». La question, en effet, est sur toutes les lèvres : Ilan est-il mort parce que juif ?
La Premier ministre, Dominique de Villepin, invité du dîner du CRIF est formel : « Nous devons la vérité à la famille…Cela s’appelle de l’antisémitisme par amalgame ».
Pour David Mascré, ce meurtre, aussi terrible soit-il, est dans la norme des mœurs qu’on a laissé se développer dans notre pays depuis quelques années avec une violence devenue coutumière, ordinaire. Il rappelle l’immolation de Sohane Benziane et celle de Sherazade Belayni, le meurtre de Sébastien Sellam par son voisin Adel, ceux de Jean-Claude Irvoas et de Jean-Jacques Le Chenadec, du gendarme Raphaël Clin, d’un salarié de Peugeot Citroën, Benoît Savéan. « On le voit, l’enlèvement et le meurtre d’Ilan Halimi ne constituent pas une exception. Ils ne sont que le dernier d’une liste interminable d’actes de barbarie qui scandent désormais régulièrement la vie des Français et, pour certains, peuplent leur quotidien ».
Se référant au témoignage d’experts et d’observateurs avertis, Mascré se forge peu à peu une conviction : la composante ethnique de la structuration des gangs de banlieue est prégnante, déterminante. Via la fragilisation des rapports familiaux dans certains milieux, la multiplication des familles polygames avec les tensions et la violence que cela induit, familles explosées où les pères sont absents et les mères dépassées, petits trafics, larcins, drogue, braquages…D’une manière générale, on a affaire à des populations incapables de distinguer le bien du mal, des « êtres qui n’ont jamais eu affaire à une quelconque autorité. D’où, chez les plus pernicieux, quoique généralement incultes, voire illettrés, un sentiment d’omnipotence et de totale impunité. En somme, des adultes ayant un mental d’enfants de quatre ans, le revolver et le couteau en plus et dont les idoles sont les « rappeurs pleins aux as ». « Ce qui baigne avant tout leur imaginaire, c’est l’image de tel chanteur déjanté ou de tel footballeur décérébré ». Pour dire les chose encore plus crûment, force est de constater, nous dit David Mascré « la crétinisation et la décérébration d’une partie de la population française ».
Les textes édifiants de certaines chansons de groupes de rap ayant pignon sur rue sont reproduits et une interview intéressante et émouvante de Ruth Halimi, la mère du jeune Ilan est proposée en annexe.
La démonstration de David Mascré, docteur en mathématiques et docteur en philosophie et en histoire des sciences, professeur de géopolitique et titulaire, entre autres, d’un troisième cycle en analyse des menaces criminelles contemporaines est, on le voit, éloquente et ne serait pas réfutée par un criminologue professionnel. On regrettera, toutefois, certaines comparaisons hasardeuses, voire douteuses. Ainsi, attaquant ce qu’il considère comme le « dogme de l’antiracisme », l’auteur écrit : « Une religion avec ses nouveaux inquisiteurs : la LICRA, SOS Racisme, le MRAP et, bien sûr, la HALDE qui rend aujourd’hui la justice à la place de la justice ». Incontestablement outrancier. Quelle idée, aussi, d’accoler les noms d’Alain Soral et Alain Finkielkraut. Ils n’ont vraiment rien à voir l’un avec l’autre.
À ces réserves près, l’ouvrage est particulièrement intéressant. Une pièce de poids à verser au dossier.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions de l’Infini. Avril 2009. 212 pages. 19 euros.