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Publié le 28 Août 2008

Emancipation. Êtes-vous (aussi) de Czernowitz ? Par Charles Rosner (*)

Un peu dans l’esprit du best-seller de Daniel Mendelsohn, « Les disparus », mais en bien moins volumineux, que le lecteur se rassure, l’auteur, part à la recherche de sa famille et de ses ancêtres originaires de Czernowitz.


Czernowitz, « la petite Vienne », Cernauti en roumain, dans le duché de Bucovine, comptait vers 1930, 200 000 habitants dont la moitié était juifs. Aujourd’hui, la ville, qui fut aussi ottomane puis autrichienne, avec 300 000 habitants, ne compte plus que quelque 3000 Juifs. La Shoah, bien sûr, a laissé son empreinte tragique.
Désormais ukrainienne, elle a été rebaptisée Chernivsti. C’est là, donc, qu’est né l’auteur qui, très jeune, il avait sept ans, a rejoint la France. Dans sa quête qui l’a mené dans différents pays et qui l’a conduit à lire divers ouvrages, Charles Rosner réalise qu’il est loin d’être isolé et que de nombreux Juifs et non-Juifs, connus et moins connus, sont eux aussi originaires de Czernowitz : le poète Paul Celan, l’écrivain Gregor von Rezzori, le ténor Joseph Schmidt, Rosa Ausländer, le biochimiste Erwin Chargaff à l’origine de la découverte de la structure hélicoïdale de l’ADN. Ou encore les parents de Jean et Michel Drucker, la mère de Paul-Loup Sulitzer et les jumeaux Schneider, créateurs de postes de radio et de télévision. A croire que le monde entier se scinde en deux : ceux qui en sont et ce qui n’en sont pas !
Remontant le temps, l’auteur nous rappelle qu’il fut une époque où les Juifs, jusqu’ici désignés par des prénoms eurent à acheter des patronymes ou à s’en voir attribuer de particulièrement odieux s’ils ne disposaient pas des moyens nécessaires. L’onomastique de Rosner semble conduire à Das Ross, le cheval en allemand. Le grand-père Rosner exerçait en effet la profession de Fiakerhälter, de cocher. On peut aussi penser au « Petit de Rose » où à une origine géographique renvoyant des villes allemandes comme Rosna, Rossen ou Roessen.
C’est un véritable périple en Pologne, en Autriche et en Ukraine que nous propose l’auteur. Au cimetière juif de Czernowitz, 50 000 tombes gardent le souvenir des Rosner et des Lackner, des Wagner et des Netti, des Niederhoffer et des Picker. Et de tant d’autres encore.
La Grande Guerre, l’assassinat de l’ataman Petlioura, les tribulations amoureuses du roi Carol de Roumanie obligé de choisir entre le trône et sa maîtresse juive Magda Lupescu, l’antisémitisme forcenée de la Sigurantsa et de la Garde de Fer. La Seconde Guerre mondiale enfin et, bientôt, la création de l’Etat d’Israël.
Le récit, très sensible, qui se veut surtout un hommage aux parents, Simon et Rosa Rosner, est entrecoupé d’historiettes glanées ici et là et agrémenté d’un cahier-photos qui permet de mettre des visages sur tous ces personnages attachants aujourd’hui disparus. Beaucoup de nostalgie.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions CZ. Août 2007. 202 pages. 12,50 euros