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Publié le 3 Février 2005

Enfances cachées. Récits recueillis par Michèle Rotman (*)

À l’heure des commémorations du 60ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, à l’heure aussi où les négationnistes font entendre de plus belle leur voix nauséabonde, à l’heure, enfin, où les derniers témoins disparaissent peu à peu, inexorablement, il était salutaire de rassembler les témoignages émouvants et si particuliers de ces enfants juifs cachés dans des familles d’accueil à travers tout le territoire français pour échapper aux griffes de l’hydre nazie.




Ils étaient pour la plupart très jeunes au moment des faits. La mémoire est donc parfois incertaine. Est-ce leurs souvenirs qu’ils racontent ou bien reproduisent-ils un récit de la relation faite par des parents ou des amis ?


On réalise, au fil de la lecture, que chaque destinée est unique, originale. Des constantes reviennent toutefois. La véritable aventure qu’a constitué pour beaucoup, malgré la séparation familiale, la découverte du monde rural, l’odeur des foins et les cris des basses-cours, les baignades dans les rivières ou les promenades à vélo.


Constante aussi, l’étrangeté de l’immersion forcée dans le monde chrétien avec le changement de nom et de prénom, les messes, le déguisement en enfants de chœurs. Avec, parfois, lorsque l’attirance pour le cérémonial et la liturgie est trop forte, la tentation de franchir le pas de la conversion. Si la grande majorité des religieux chrétiens ont eu l’honnêteté de ne pas chercher à détourner de leur foi les petits Juifs qui leur étaient confiés, des cas douteux sont signalés ici et là. Tout comme, exceptionnellement, les mauvais traitements de paysans peu affectueux. Il y en eut hélas.


Michèle Rotman a opté, comme fil conducteur, pour l’appartenance au B’nai B’rith des personnes interrogées. Il s’agit donc, comme cela est indiqué en sous-titre de « récits d’enfants cachés du B’nai B’rith (1939-1945) ». Parmi les dizaines de témoins : Elie Szapiro de Paris, Maurice Quenet, de Nancy ou encore Edith Aron, de Lyon.


Un chapitre est consacré aux réseaux juifs de Résistance avec, notamment, les récits de Liliane Klein-Lieber, de Maurice Honigbaum de Nice pour le réseau Garel de l’OSE, de Victor Sullaper et Paul Giniewski pour le Mouvement de Jeunesse Sioniste et l’évocation de l’action de Marianne Cohn, de Jean et René Gotschaux, d’Odette et Moussa Abadi pour le réseau Marcel.


Un autre chapitre est consacré aux « Juste parmi les nations ».


Un très beau livre qui paraît à point nommé.

Jean-Pierre Allali


(*) 228 pages. 30€. Chez l’auteur : 01 45 01 78 94 - 06 63 61 55 00

L’ouvrage de Michèle Rotman vient d’être réédité par Ramsay sous le titre « Carnets de mémoires. Enfances cachées. 1939-1945 ».
296 pages. 21€.