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Publié le 7 Octobre 2005

Franz Rosenzweig. Le cantique de la révélation Par Salomon Malka

Le directeur d’antenne de RCJ, qui est aussi un écrivain de talent, nous a déjà proposé, au cours des ans, d’excellents ouvrages sur des personnages aussi divers que Levinas, Chouchani ou Jésus.




Son dernier livre est consacré à Franz Rosenzweig, philosophe allemand trop tôt disparu, dont l’œuvre majeure, L’Étoile de la Rédemption, est considérée comme un monument de la pensée juive.

Considérant que L’Étoile est inséparable du Cantique des Cantiques, que les deux textes sont fortement imbriqués, Salomon Malka, dans son commentaire croisé, passe avec bonheur de l’un à l’autre, nous dévoilant au passage les arcanes de cette connexion.

Rosenzweig, « c’est l’histoire d’un homme, d’un juif allemand, d’un étudiant de philosophie, qui était au seuil d’une conversion et qui a décidé de revenir à la foi des ses pères ».


Franz Rosenzweig naquit à Cassel, le 25 décembre 1886, dans une famille juive traditionaliste. Dans une Allemagne où le judaïsme s’estompe, à en devenir insipide, les conversions à la chrétienté sont légion. Ainsi en est-il de son cousin Hans Ehrenberg et de son meilleur ami Eugen Rosenstock. Une conversation à trois, en 1913, que l’Histoire retiendra sous le nom de « nuit de Leipzig » convainc le jeune Franz qu’hors la conversion, il n’y a pas de salut. Pourtant, dans un dernier sursaut, il décide, avant de franchir le Rubicon, de se rendre à l’office de Yom Kippour dans une synagogue de Berlin. Pour être sûr de sa décision. Et là, miracle. L’office va faire de lui un autre homme, un ardent partisan du judaïsme vécu. Commence alors la techouva du philosophe. Il s’inscrit à l’Institut d’études supérieures du judaïsme, fonde un Beth Hamidrash, et, mobilisé, commence l’écriture de L’Étoile sur des cartes postales et des bouts de papiers.

L’Étoile, ce sont deux triangles qui symbolisent le judaïsme en s’entrecroisant :
D’une part : Dieu, l’homme et le monde. De l’autre : la création, la révélation et la rédemption.

« Plus on apprend sur Rosenzweig, dit Salomon Malka, plus on a envie d’apprendre ». Et c’est un fait que l’auteur nous livre de précieux renseignements qui éclairent le personnage d’un jour nouveau. Son mariage, en 1920, avec Edith Hahn, son courrier amoureux de quelque 1500 lettres adressées à sa muse, la femme de son meilleur ami, Margrit Rosenstock, sa maladie dégénérative, une sclérose amyotrophique qui le privera de la parole, l’amenant à écrire ses derniers textes…avec les yeux.

Très intéressants également sa perception de l’islam, qu’il considère comme une « parodie » des deux autres religions et sa critique du sionisme. Sans oublier une étonnante information selon laquelle toute sa bibliothèque se serait égarée…en Tunisie où elle dort dans des cartons !

Dans cette véritable enquête, à la rencontre de Rosenzweig, l’auteur, comme à son habitude, n’a pas hésité à faire le pèlerinage de Cassel et de Francfort-sur-le main où le philosophe est mort le 10 décembre 1929. Par ailleurs, il a rencontré, notamment en Israël des parents et des proches de l’écrivain.

« Le judaïsme de Franz Rosenzweig, conclut Salomon Malka, ressemble décidément au Cantique des Cantiques. Un chant profond. Une fugue magistrale. Une chorale où s’élève, des plaines d’Ein Guedi, la voix d’une jeune fille qui raconte l’énigme de la vie et de la mort, l’histoire de l’amour et du temps qui passe, et notre attente de quelque chose ou de quelqu’un après lesquels nous courons depuis des millénaires comme après une étoile dans le ciel ».

Superbe.

Jean-Pierre Allali

Éditions du Cerf. Septembre 2005. 144 pages. 17€