C’est en 1920, à Zagórów en Pologne que naît Ryvka Skorka. Fille d’un religieux érudit qui enseigne au héder local, Jacob Skorka et d’une foraine qui vend des chapeaux sur les marchés des environs, Slatka, née Szejman. Plus tard naîtront ses frères, Jérémie Jérôme (1924) , Lajb Léon (1927) et Zalme Zali (1928-1932).
En 1930, face à une situation économique désastreuse, la famille décide d’émigrer en France, à Nancy où des oncles se sont déjà installés.
Devenue Régina, Ryvka est inscrite à l’école Raugraff où elle apprend le français. École qu’elle doit quitter rapidement pour assister sa mère sur les marchés de Nancy. Les Skorka, qui sont apatrides, s’inquiètent des bruits de bottes qui se font de plus en plus inquiétants vers la fin des années 30.
10 mai 1940 : les troupes allemandes contournent la ligne Maginot. L’exode commence. Pour les Skorka, ce sera Bordeaux. En juillet, Régina décide de revenir seule à Nancy pour reprendre son travail sur les marchés. Hélas, en décembre, toute sa famille est internée à Nancy où elle se rend clandestinement.
En 1942, tandis que ses parents sont arrêtés et internés à Drancy, Régine décide de s’engager dans l’Armée Secrète. En 1943, elle est à Lyon où elle rejoint l’UJJ (Union des Jeunesses Juives). En 1944, elle rejoint la Résistance. Elle est arrêtée ainsi que son frère Jérôme par la Milice. Ils sont conduits place Bellecour dans les locaux de la Gestapo et interrogés par le sinistre Klaus Barbie avant de rejoindre le Fort Montluc.
1er juillet 1942 : c’est le drame. Régine, son frère et plusieurs amis sont transférés à Drancy et déportés, le 31 à Auschwitz dans le convoi n°77. Le 18 octobre, alors que l’Armée Rouge se rapproche du camp, Régine est embarquée pour Kratzau, à trois cents kilomètres.
Le 9 mai 1945, lorsque le camp de Weisskirchen où elle se trouve alors est libéré par les Tchèques et les Soviétiques, Régine ne pèse que trente kilos. Elle parvient néanmoins à rejoindre Prague puis Nancy. La vie reprend ses droits et, le 26 février 1947, Régine Skorka épouse Henri Jacubowicz-Jacubert, un ancien résistant du Vercors. Le 12 février 1949 naît Jacques Daniel Jacubert, futur président du B’nai B’rith France.
Le 8 mai 2005, le président Jacques Chirac décorera, sous l’Arc de Triomphe, Régine Jacubert de la Légion d’Honneur.
Parallèlement à l’histoire personnelle de Régine Jacubert, le livre est l’occasion de rappeler l’action exemplaire de certains policiers nancéiens, notamment Pierre Marie et Édouard Vigneron, qui avertiront la communauté juive de l’imminence d’une rafle le 19 juillet 1942, sauvant ainsi quelque trois cents personnes de la déportation.
De nombreuses illustrations agrémentent l’ouvrage. Très intéressant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Le Manuscrit. Entretiens réalisés et mis en forme par Jean Henrion. 2009. 258 pages. 21,90 euros.