Il est donc intéressant, à priori, qu’un ouvrage sorte de l’ombre un personnage aussi terrible et si peu connu du grand public. Il est moins sûr, en revanche, que la forme choisie par l’éditeur, soit la bonne.
En effet, le livre qui nous est proposé se présente comme un recueil chronologique de documents juridiques : compte-rendus d’interrogatoires du prévenu et de divers témoins dans plusieurs juridictions, mandats d’arrêt, certificats, actes, tests psychiatriques…
Le défaut d’un tel recueil est évident : les répétitions sont nombreuses et les détails administratifs des minutes: dates, heures, identification des magistrats, signatures, superfétatoires sauf pour des chercheurs ou des spécialistes. Une synthèse, sous forme d’étude résumant l’ensemble de cette documentation eut été, à mon sens, plus accessible et d’une lecture plus agréable.
Lorsque le chef de la Police de sécurité du Reich, la sinistre Sicherheitpolizei, Reinhardt Heydrich, est assassiné lors d’un attentat, dans un faubourg de Prague, le 27 mai 1942, les nazis qui avaient déjà planifié un programme d’élimination systématique des Juifs vivant sur le territoire du Gouvernement général de la Pologne, décident de rebaptiser ce programme en l’intitulant « Opération Reinhardt ». Hermann Höfle en devient officiellement le chef de service.
Avec Christian Wirth et Dietrich Allers, Höfle sera l’une des trois chevilles ouvrières de l’organisation des camps de la mort de Belzec, Sobibor et Teblinka.
Né à Salzbourg en 1911, Höfle, qu’on surnommait « le petit Eichmann », outre sa contribution majeure à l’ « Opération Reinhardt », supervisera les camps de la région de Lublin (Lublin, Lipowa et Trawniki) et sera chargé de l’évacuation, dans des conditions dramatiques, entre juillet et septembre 1942, du ghetto de Varsovie où résidaient alors plus de 300 000 personnes.
Arrêté par les Britanniques, Höfle, après avoir été incarcéré dans un camp de prisonniers, est livré le 28 août 1947, aux autorités autrichiennes et emprisonné à Salzbourg, sa ville natale. Libéré sur parole en octobre 1947, il se livre à la justice en 1959. Les attendus des séances de son procès, montrent un personnage retors qui cherche malicieusement à utiliser l’existence d’un homonyme, un général SS qui aurait été fusillé en 1945 en Slovaquie, pour se dédouaner. Mais la cour n’est pas dupe et les témoignages de Juifs rescapés qui le reconnaîtront formellement, auraient du logiquement conduire à une condamnation. Elle n’aura pas lieu, Höfle s’étant suicidé dans sa cellule à la prison de Vienne le 22 août 1962.
Des témoignages sont particulièrement intéressants et émouvants, tels ceux de Zygmunt Warman, qui jette un éclairage précieux sur le fonctionnement du Conseil juif et sur la situation à l’intérieur du ghetto lors de ces années terribles, du docteur Edward Reicher qui eut à soigner Höfle pour dermatose et qui décrit le personnage comme odieux et ne respectant aucune parole, « un sadique raffiné et un tueur » évoquant, entre autre, les vols systématiques de caisses d’or par les nazis, les beuveries d’officiers avec bals de musique juive ou du journaliste Marcel Ranicki, qui rappelle le travail de mémoire héroïque d’Emmanuel Ringelblum, parle des carences alimentaires inouïes à l’intérieur du ghetto et même de cas de cannibalisme.
Outre Höfle, l’ouvrage a le mérite de mettre l’accent sur d’autres personnages terrifiants mais peu connus comme Georg Michalsen, Ernst Lerch, Kurt Claasen, Jacob Sporrenberg, Christian Wirth et Odilo Globocnik.
Intéressant, donc, mais, comme on l’a dit plus haut, inutilement surchargé de références administratives répétées.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Berg International. Archives inédites traduites de l’allemand. Introduction du père Patrick Desbois. Février 2007. 240 pages. 18€