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« C’est contre la convergence de l’islamo-gauchisme et du souverainisme conservateur-soucieux avant tout de maintenir un statu quo privilégiant le droit des États plutôt que celui des peuples-dans un anti-américanisme délirant, que nous avons décidé de réagir », expliquent Pierre Rigoulot, historien et Michel Tauman, journaliste. Car si des questions se posent depuis l’intervention de la coalition en Irak : « Fallait-il la mener de cette façon ? À ce moment-là ? Sans l’aval de l’ONU ?… », la bonne méthode d’analyse n’est pas l’imprécation incantatoire mais la réflexion. Une vingtaine de spécialistes, historiens, sociologues, philosophes, politologues, théologiens, militants humanitaires, intellectuels, se penchent sur le problème en nous fournissent une étude aussi fouillée qu’intéressante.
Le livre est divisé en trois parties : « Un monde en guerre », « La guerre en Irak » et « L’étrange mal français ».
Si la deuxième partie s’attache à démonter les rouages d’une guerre annoncée car moralement nécessaire et si la troisième est plus centrée sur l’Hexagone et les mirages de la politique extérieure de la France qui a choisi Poutine plutôt que Bush, où les médias sont en folie et les banlieues en surchauffe, c’est la première partie qui est la plus percutante car elle pose un problème essentiel : « Comment réparer les dégâts ? Comment réinventer l’Occident ? »
Oui, il fallait y aller estiment Françoise Brié et Jacky Mamou. Parce que « Saddam Hussein s’est attaché à construire un système de contrôle de la population particulièrement répressif et terrifiant, en s’inspirant d’ouvrages hitlériens mais surtout staliniens ». Des décennies de barbarie organisée dont l’assassinat, peu connu, entre 1991 et 1993, de 100 000 Arabes des marais du Sud. Et près de 5 millions d’Irakiens qui ont fui leur pays.
Pour ce qui est de l’attitude de la France, on retrouvera avec profit le texte de Pierre-André Taguieff paru dans le premier numéro des Études du CRIF : « Néo-pacifisme, nouvelle judéophobie et mythe du complot ».
Pour Brice Couturier, « La France, on le sait, peine à trouver une posture adaptée à sa situation actuelle dans le monde et en Europe ». Et si, Jacques Chirac en tête, elle adopte une position pro-arabe, cela ne lui vaut pas que de la reconnaissance car, remarque Couturier, « La presse arabe se moque de ce « Saladin-al Chirac », auquel on « devrait offrir la présidence de la Ligue arabe » ». D’ailleurs, il faut bien reconnaître que « Seule ou presque en Europe, la France prétend continuer à exercer une influence sur le cours du monde. Mais la modicité de ses moyens et l’obsolescence de sa doctrine la condamnent au rôle de mouche du coche ».
Dans une magistrale analyse introductive, Dominique Moïsi estime qu’ « à court terme, la position pro-israélienne des Américains et la position, globalement pro-palestinienne de l’Europe, agissent comme un acide puissant sur les relations transatlantiques ». C’est pourquoi il y a urgence à réinventer l’Occident. Réinventer aussi les Nations unies en faillite morale et organisationnelle.
Si un chapitre entier est consacré à l’attitude d’Ariel Sharon , beaucoup plus réticent qu’on le croit dans l’affaire irakienne, on regrettera qu’alors que plusieurs intervenants arabes aient été sollicités, il ne se soit pas trouvé un penseur israélien pour donner son point de vue. Dommage !
Un livre remarquable qui propose des pistes intéressantes pour l’avenir du Proche-Orient et du monde.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions du Rocher. Mars 2004. 432 pages. 20 €.