Par delà la description proprement technique du conflit, dont le public, en France comme ailleurs, aura été abondamment inondé à l’époque, Olivier Rafowicz propose une analyse plus en profondeur de la situation d’Israël et, partant, du peuple juif, que cette guerre aura finalement révélée. Pour lui, « l’année 2006 a été un tournant sur au moins deux points importants liés à la position de l’Etat d’Israël et à l’histoire contemporaine du peuple juif ». Deux tournants, en fait, précise-t-il : celui qui voit les groupes islamistes radicaux passer à des actes de guerre d’une dangerosité extrême pour la région. Celui, aussi, plus pernicieux, qui voit, à travers le monde, des intellectuels, des chercheurs, des scientifiques et même, hélas, des Juifs antisionistes, mettre en cause la réalité de la Shoah. « Ce ne sont plus des leaders politiques ni des militaires mais des intellectuels, des chanteurs, des écrivains, qui prennent la plume ou le micro pour déclarer que maintenant plus rien n’est tabou : ni la Shoah, ni Auschwitz, ni les nazis, ni le salut hitlérien ». Bref, un antisionisme viscéral doublé d’un antiaméricanisme débridé, le tout « bien arrosé d’une bonne sauce antisémite ».
« Dans les années 1970, explique l’auteur, les sociologues pensaient que le conflit serait entre le nord et le sud. Mais le conflit d’aujourd’hui et bientôt de demain sera celui du rationalisme et de la logique judéo-chrétienne face à des fous de Dieu prêts à se faire exploser dans des restaurants, des centres commerciaux et autres gratte-ciels ». Avec ce conflit, nous assistons à la « première guerre entre Israël et l’islam intégriste ».
Pour ce qui est du conflit proprement dit, tout a été déjà dit, ou presque. Ce qui fait l’intérêt de l’ouvrage, par delà le décompte macabre des victimes ou de la description des armements utilisés de part et d’autre, c’est l’analyse, originale et percutante, des tenants et des aboutissants, de cette guerre. Car « la situation est et sera pour encore de très nombreuses années une guerre permanente, existentielle pour Israël qui ici et là peut manœuvrer avec une marge d’actions et d’erreurs extrêmement faible ».
Oui, reconnaît Rafowicz, il y a eu un certain cafouillage au plus au niveau, mais l’essentiel est ailleurs. Le Liban a lui aussi été meurtri bien qu’il ne soit pas l’ennemi d’Israël. Les coupables, ce sont l’Iran, la Syrie et leurs acolytes.
Autre aspect, souvent peu relevé par les médias et les commentateurs : l’attitude des Arabes israéliens pendant cet été meurtrier. Bien que 18 Arabes israéliens aient été dénombrés dans les victimes civiles, « les députés arabes israéliens ont refusé de critiquer seulement le Hezbollah pour critiquer la guerre en général ». Pire, ils « ont en tout cas démontré une volonté de soutien au Liban plutôt qu’à l’Etat d’Israël ». Conséquence grave : les Arabes israéliens se sont déconnectés de leurs concitoyens juifs.
Israël, désormais, doit être constamment sur ses gardes. D’un mal peut émerger un bien et ce bien c’est que désormais le Hezbollah a montré son vrai visage, il est démasqué. Tout au long de ses soixante années d’existence Israël a tout essayé pour faire la paix avec ses voisins. Et il a bien fait. Mais il convient d’ouvrir tout grands les yeux. « On passe à une autre étape qui est l’étape de survie…on arrête les négociations bidon, les fausses manœuvres de paix. On admet que certains Arabes, que l’islam intégriste, le Hezbollah et le Hamas veulent détruire Israël ».
Face à un ennemi vicieux et d’une fourberie sans égale, il faut être dur, intraitable. Et tant pis si l’image de l’Etat juif est écornée.
« Les fascistes islamiques ont réussi à faire en sorte qu’Israël ne croit plus aujourd’hui en la paix. Les Israéliens ont désormais davantage foi en la vie et feront tout pour assurer l’avenir de leurs enfants et du pays. Peu importe si le prix à payer pour cela est une image négative dans le monde et une position politiquement difficile »
« Je me défends, donc je suis » chantait le regretté Herbert Pagani. Telle est, en tout cas, la philosophie de l’auteur qui considère que tout compte fait, avec le recul, en tenant compte de l’application de la résolution 1701, des changements politiques et militaires survenus au Liban, le résultat de cette guerre est une victoire israélienne.
Passionnant. A lire absolument.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Favre. Mars 2007. 184 pages.