En Israël, on le sait, si la majorité de la population est favorable à la création d’un Etat palestinien à côté et non à la place d’Israël, le débat tourne autour de l’ampleur du retrait israélien. Entre les tenants du Grand Israël et les partisans d’un retrait total, y compris de Jérusalem-Est, la marge de discussion est grande.
Alors, que disent les textes fondamentaux du judaïsme ? Peut-on, d’un point de vue halakhique « abandonner » des morceaux de la terre historique du peuple juif pour aboutir à la paix selon le fameux concept : « Des territoires contre la paix » ?
Opposant Leibowitz au Rav Kook, Hervé élie Bokobza considère qu’ « en Israël, les partis politiques religieux qui se réclament de la tendance du Rav Kook représentent une facette du judaïsme qui ne trouve de sens que dans l’identification du peuple juif à un Etat. En plus du racisme généré volontairement ou involontairement par leur système de pensée, ils feignent d’ignorer que, selon le judaïsme traditionnel, la terre d’Israël n’est pas le facteur identitaire du peuple juif ».
Parmi ceux qui s’opposent à l’idée même d’un Etat juif au sens sioniste moderne du concept, l’auteur examine le cas des Netoureï Karta pour lesquels « la Shoah aura été une punition divine sanctionnant le projet de création d’un Etat juif avant la venue du Messie » et le célèbre Rabbi de Loubavitch. Quant au grand Maïmonide, il nous dit, dans son Michneh Torah : « L’homme doit tout faire pour habiter la terre d’Israël, même dans une ville à majorité non-juive, plutôt que de résider en dehors de la terre d’Israël, même dans une ville à majorité juive ». Quant à Nahmanide (1194-1270), il ne considère pas le fait de vivre en diaspora comme une transgression. Mort en 1490, le rabbin Isaac de Léon insiste sur le respect des Serments imposés par Dieu à Israël à l’époque de la destruction de Jérusalem : ne pas chercher à revenir « en force » au pays d’Israël. Pour Haïm Vital (1543-1620), cet engagement ne doit durer que mille ans. Une opinion que le rabbin Joseph David Azoulay, le fameux ‘Hida (1724-1806) précise en expliquant que c’est à Dieu, après ces mille années minimales d’exil, de décider de la fin de l’exil.
Quand aux sionistes de la première heure, ils considèrent que l’interprétation de ces Serments doit tenir compte du fait que les nations ont asservi à l’excès le peuple juif en diaspora.
Le Messie, la Rédemption, le regard des différents courants religieux sur le sionisme, les guerres et les conquêtes au regard de la Torah ( Deux types de guerres sont répertoriées : La mil’hemet mitsvah, guerre justifiée par un commandement de la Torah et la mil’hemet harechout, guerre autorisée par la Torah), l’importance de la terre d’Israël pour un Juif, la sécurité face au terrorisme, la légitimité d’un Etat palestinien du point de vue de la Halakha, rien n’est laissé au hasard dans cette étude.
On regrettera peut-être, eu égard à ses propos sur Tsahal, la référence insistante et récurrente dans ce livre à Yeshayahou Leibowitz dont les propos généreux et ouverts, énoncés en exergue « Nous ne naissons ni dans le judaïsme, ni dans le christianisme, ni dans l’islam ; nous naissons dans l’humanité », ne sauraient nous faire oublier les mots terribles qu’il prononça un jour assimilant les soldats de l’armée israélienne à des nazis.
Reste un ouvrage original et utile qui comble un manque réel. Intéressant.
Jean-Pierre Allali
(*) Préface de Philippe Haddad. Editions L’Œuvre. Février 2008. 224 pages. 15 euros