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Publié le 12 Mai 2006

J’étais garde du corps d’Hitler. Témoignage de Rochus Misch

Fin de l’année 2004, Nicolas Bourcier, journaliste au Monde, rencontre dans son pavillon berlinois Rochus Misch, âgé de 88 ans. Bourcier vient le voir afin d’écrire son portrait pour le quotidien. A l’époque, La Chute, film consacré aux derniers jours d’Hitler, vient juste de sortir dans les salles de cinéma. Des journalistes de la presse écrite, des équipes de télévisions allemandes ou étrangères veulent voir Rochus Misch, parce qu’il est le dernier, l’ultime survivant de la garde rapprochée d’Adolf Hitler et le dernier soldat à avoir quitté son bunker, à Berlin, le 2 mai 1945. Ce jour là, l’Armée rouge s’empare de la capitale du IIIème Reich en ruine. Dans ce témoignage (recueilli par Nicolas Bourcier), Rochus Misch raconte sa vie : de son enfance « joyeuse malgré tout », à ses premières rencontres avec Hitler, il parle aussi des proches d’Hitler (Hermann Göring, Himmler, Bormann, Dönitz, Keiteil, Ribbentrop, Speer, Jodl et d’autres encore), et du bunker…


Mais, ce qui frappe à la lecture de ce témoignage, ce ne sont pas tant les nombreuses descriptions et anecdotes, que ce qui transparaît de cette lecture. Tout au long de ces années, Misch aime ce qu’il est et ce qu’il fait : « J’ai fait mon travail le plus correctement du monde. Oui, j’étais content d’être là et d’occuper un tel poste » écrit-t-il à la page 88. Misch n’a rien à redire sur Hitler : il « pouvait être autoritaire, parfois colérique, mais incapable d’après ce que j’ai observé à cette époque, de coup tordu et de mensonge éhonté (p. 122) », en tout cas, affirme-t-il à la page 229, « je ne l’ai pas vécu en tant que meurtrier. Avec moi, il s’était montré attentionné et gentil »
Misch ne pose aucune question, ne demande rien, n’entend parler de rien. Au milieu de la guerre, à une date qu’il lui est impossible de se remémorer, il tombe sur une dépêche qui retient néanmoins son attention. On pouvait lire qu’une équipe de la Croix Rouge internationale prévoyait d’inspecter un camp de concentration. Il ajoute aussitôt : « C’est la seule et unique fois pendant mes cinq années passées auprès d’Hitler que j’ai lu quelque chose sur les camps. » et d’affirmer à propos des camps : « je ne peux rien en dire ». Ainsi, lorsque qu’il parle de la conférence de Wannsee (conférence secrète dirigée en 1942 par le chef de la sécurité Reinhard Heydrich où fut décidé d’appliquer la « solution finale ») Misch dit : « Encore aujourd’hui, il m’est très difficile de comprendre comment de tels massacres ont pu être perpétrés dans un tel secret (p. 130). »
« Je ne me sens pas coupable. Je n’ai pas tiré le moindre coup de feu pendant toute cette guerre. Je ne regrette rien. Dire le contraire ne serait pas honnête. J’ai fait mon devoir en tant que soldat comme des millions d’autres Allemands. J’ai suivi, et j’estime avoir payé avec mes neuf années d’emprisonnement en URSS (p. 230) ». Sa parole est froide, sans émotion, presque lisse. Comme le dit si bien Nicolas Boucier, il est un monstre d’innocence et d’aveuglement.
Dernière chose, pathétique. Misch s’étonne que sa fille ne veut plus le voir « pour des raisons qui m’échappent ». Il ajoute : « Elle s’est retirée progressivement, sans rien dire. Parfois j’ai des nouvelles d’elle et aussi de ses deux fils. Ils ont été élevés dans une école juive de Frankfort. Ils sont grands aujourd’hui. Le premier s’appelle Alexandre. Le second Rochus Jacob. »
Marc Knobel
J’étais garde du corps d’Hitler. 1940 – 1945. Témoignage de Rochus Misch, Editions du Cherche Midi, Paris, 2006, 251 pages.