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Publié le 18 Mars 2008

Je monte. Le récit complet de mon alya Par Cyril Rajz (*)

Je monte. En Israël, bien sûr. Natif de Perpignan, marié, trois enfants, Cyril Rajz réalise un beau matin que sa vie est ailleurs, en terre d’Israël. Dès lors, le projet d’une alya se précise de jour en jour jusqu’à devenir l’évidence : il va falloir faire un trait sur le passé, un trait complet, définitif en vue d’une nouvelle naissance, d’une renaissance.


L’expérience au quotidien que cette décision tout à la fois grave et enthousiasmante entraîne, nous vaut un petit livre savoureux plein d’anecdotes. Car on ne quitte pas facilement des habitudes ancrées depuis longtemps, des parents, des amis, un quartier, une ville, un pays. On ne change pas aisément de langue et de mentalité. « Comme dans toute naissance, il va y avoir des cris, des pleurs, des maux ».
Dans cet ouvrage pétillant l’auteur nous raconte au quotidien les mille et un détails de la préparation au départ. Les questions qui se posent sont innombrables. Il faut penser à tout et encore plus. L’appartement parisien, d’abord. Il faut le vider complètement et reboucher les trous avant l’inévitable état des lieux. Parallèlement, il faut trouver quelque chose en Israël. Et les affaires, où achète-t-on un cadre, que mettre dans ce cadre ou plutôt ce véritable container, quoi vendre, quoi donner, quoi jeter ? Tout au long des journées, Cyril emplit des sacs poubelles qu’il descend consciencieusement en bas de l’immeuble. Chaque jour l’appartement se vide un peu plus. Après la télé qui part, la chaîne disparaît, les armoires, le lave-vaisselle, les tables, les chaises, la trousse à maquillage de sa femme et même le cadeau qu’il lui avait fait pour la dernière Saint-Valentin, une superbe malle à riz. Merci eBay. Car le règlement est strict : on a droit à 75 kilos par personne sauf la petite Lola qui a moins de deux ans. Faites le compte : Cyril, sa femme Arielle, les jumeaux, soit 300 kilos.. On peut pousser à 500 moyennant 800 euros de supplément. Toute une vie en 500 kilos. 500 kilos de chaussettes, de chemises et de slips, de costumes, de tailleurs et de jupes. Et la poussette de la petite, bien sûr. En attendant, on vit dans un camping de plus en plus précaire, les enfants pleurent et dorment mal. Avant de liquider l’ordinateur, il faut penser à adresser des mails à tout le monde : « Coucou, les amis, c’est nous, on s’en va, rendez-vous l’an prochain à Jérusalem… »
Et le boulot, comment on fait pour le boulot ? Il faut annoncer aux clients qu’on part, que c’est fini, qu’on ne prend plus de commandes. Une offre alléchante de dernière minute ? « Je n’en veux plus, je pars, trouvez quelqu’un d’autre ».
Chaque jour, il faut se rendre au consulat israélien, formalités obligent. Cyril découvre son premier mot hébreu, « Savlanout ». Un mot qui va revenir en boucle pendant les semaines harassantes qui précèdent le grand départ. « Savlanout » ! « Patience et fatalité ». Les queues, les fouilles sécuritaires, le document qu’on a oublié, les tampons salvateurs. Et des taxes, 10 euros par-ci, 100 euros par là, tout à un prix. Heureusement que Yossi, le chaliah, est toujours là pour arrondir les angles. Allez, ce n’est pas si grave, il vaut mieux rêver : « En Israël, il y aura des parcs pour les enfants, des restaurants, des magasins, des cinémas, j’aurai la télé, Internet, je pourrai trouver une autre baby-sitter, manger un cheeseburger, prendre le bus, le métro peut-être… »
La banque, maintenant, il faut liquider les comptes et en ouvrir un en Israël car à l’arrivée à l’aéroport, c’est du cash qu’on remet au olé hadash, le nouvel arrivant. Que choisir ? Leoumi, Hapoalim, Bank of Jerusalem ? Et attention à ne pas se faire arnaquer car personne ne vous dira que le olé hadash a droit à une multitude de ristournes et de détaxations, d’avantages fiscaux. Il faut le découvrir tout seul.
Résiliation. A la veille du départ, il faut tout résilier : contrats d’assurances, abonnements téléphoniques, internet. Et avec la sécu, les Assedic, les impôts, que faire ? Il faut résilier sa vie, dit Cyril Rajz, et même les amitiés les plus anciennes. Mais, comme le dit l’adage : « Loin des yeux, loin du cœur ».
Vient le moment, pour un Parisien de l’acte le plus déchirant : la vente de la voiture. Quel arrache-cœur !
Une semaine avant le grand jour, rendez-vous à l’Agence Juive. C’est encore le parcours du combattant pour avoir les vouchers : cinq allers simples pour Tel Aviv.
Jour J : 4 heures du matin. Déception : les duty free ne sont pas encore ouverts, la cafétéria est fermée et le distributeur de boissons en panne. On fera avec.
Tel Aviv, enfin et, à nouveau, la paperasserie et l’administration. La teoudat olé et la téoudat zéout sans lesquelles rien n’est possible. On attendait 3250 shekels, on n’en reçoit que 2000. C’est comme ça. Cyril commence à comprendre qu’en Israël, le mot « environ » est d’usage courant et que tout se négocie, même des meubles neufs dans une grande enseigne.
Une nouvelle vie commence, l’école et le centre aéré pour les enfants, l’oulpan pour les adultes. Sans oublier des leçons de conduite pour valider le permis de conduire. La nouvelle maison est très sympa, mais en Israël, les prises de courant sont à trois trous. Conseil aux candidats à l’alya : ne prenez pas trop de prises et de rallonges, vous allez vous ruiner en adaptateurs.
Alors, in fine, c’est bien ou mal, l’alya ? « Je commence à en profiter, être zen et kiffer, dit l’auteur, juste kiffer ». Et il ajoute : « Je ne regrette rien. J’y ai tellement gagné ». Très sympathique.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Cyril Rajz. Israël. Décembre 2007. 150 pages. 9,90 euros