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Publié le 21 Novembre 2006

Judaïsmes. De l’hébraïsme aux messianités juives Par Armand Abécassis (*)

Spécialiste renommé de l’histoire du judaïsme, Armand Abécassis, avec ce nouvel ouvrage, poursuit une synthèse globale du texte biblique commencée avec L’Univers Hébraïque, du monde païen à l’humanisme biblique (1). Un texte biblique dont les trois parties, Pentateuque, Prophètes, Hagiographes, ne sont pas ordonnées au hasard. Car, si « les rabbins ont voulu réunir dans le même canon des formes de mémoire de leur peuple différentes et complémentaires », « cet ordre est fondé sur un jugement de valeur car le Pentateuque est révélé alors que les deux autres parties de la Bible sont inspirées et doivent être considérées comme des interprétations de la première ». Et quel interprète est-il plus fondé que le prophète, le Nabi ( Il y en eut trois grands et douze petits), qu’il ne faut pas confondre avec le voyant, le Hozé ? Le prophète, c’est celui qui interprète le passé de son peuple conservé dans le Pentateuque en le référant à sa propre actualité. Personnages clés de la dialectique prêtre-prophète-roi, les prophètes voient leur action régie par quatorze principes politiques qui représentent, d’une certaine manière, « les devoirs de l’homme et du citoyen au sein de l’humanité ». et si leurs critiques sont souvent acerbes et impitoyablement lucides, elles ne sont que « l’autre face de leur amour et de leur solidarité inconditionnelle avec leur peuple ». Armand Abécassis nous brosse un tableau édifiant de ces personnages hors du commun qui ont marqué l’histoire juive. Déborah, « L’abeille », prophétesse-guerrière, la première à pratiquer la prophétie, Samuel, le prophète-juge, Nathan, le prophète de cour, puis, quand le pays se scinde en deux royaumes, les prophètes du Nord et ceux du Sud. Au Nord, Israël, fondé par Jéroboam où neuf dynasties se succèdent qui donnent dix-neuf rois. Voici Élie, le prophète zélé, Élisée, le prophète modéré, Amos et son exigence de justice, Osée, avec son symbolisme conjugal qui procède à une superposition étonnante, voire à une identification des deux mariages, celui du prophète et de sa prostituée, Gomer Bat Diblayim, et celui de YHWH et de son peuple ». Au Sud, Judah, avec sa capitale, Jérusalem. Voici Isaïe, apôtre de la sainteté du peuple et du concept de « reste », c’est-à-dire de partie saine du peuple, une fois écartés les déviants et les impies, Isaïe qui ne veut pas la guerre et qui rêve de voir transformer les armes en socs de charrue. Voici aussi Jérémie, prophète de l’intimité personnelle, qui exerça son ministère entre –626 et la destruction du Temple, en -587 par Nabuchodonosor. Jérémie, qui, pour l’auteur, annonce déjà les thèmes majeurs de la prédication de Jésus, « est le premier prophète qui se livre, dit ses angoisses, ses souffrances, ses doutes, ses crises et même sa mise en question de sa vocation ». Puis vient Ézéchiel, le prophète de l’exil babylonien et le « second Isaïe » ou « deutéro-Isaïe », un « prophète inconnu », contemporain de la conquête perse de Cyrus, auteur de seize chapitres axés sur le réconfort et l’optimisme.


Les sources du judaïsme actuel sont donc hébraïques. Elles se trouvent chez les prophètes et prophétesses « qui surent aider leurs contemporains à mieux comprendre et à mieux assumer, collectivement et individuellement, l’idée monothéiste et la dimension de la Transcendance spécifique de l’être humain ».
Les prophètes, qui « ne reculèrent ni devant le roi, ni devant le prêtre, ni devant le peuple », ont joué pleinement leur rôle qui a consisté à rappeler au peuple « élu », avec opiniâtreté et souvent avec courage, sa vocation et ses devoirs. La répartition des tâches aurait pu en rester là, pour l’éternité. « Malheureusement, l’enseignement prophétique échoua à convertir les Hébreux, israélites ou judéens, à leur foi. Ils furent déportés et perdirent leur identité politique, nationale et religieuse ». L’histoire de la diaspora a duré 2000 ans jusqu’à la création de l’État d’Israël qui ouvre un nouveau chapitre de l’histoire du peuple juif.
« Lire la Torah, dit Armand Abecassis, c’est la lire comme si elle était donnée aujourd’hui et comme si le problème consistait à la faire dialoguer avec le monde où l’on se trouve hic et nunc ».
Très intéressant.
Jean-Pierre Allali
(1) Éditions Albin Michel. 2003.
(*) Éditions Albin Michel. Septembre 2006. 510 pages. 28€