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Publié le 16 Janvier 2008

Judeopostale. Timbres, lettres, courrier Par Claude Wainstain (*)

Il y a mille et une façons de conter l’histoire des hommes et, partant, celle du peuple juif. L’une d’entre elles, qui n’est pas la moins originale, est celle qui utilise le support de la philatélie. Les timbres, les vignettes, les oblitérations, les enveloppes de premier jour d’émission, les bureaux postaux provisoires, les postes privées, les courriers eux-mêmes, notamment au dos des cartes postales, sont souvent révélateurs de l’esprit de toute une époque. La philatélie, le docteur Claude Wainstain, médecin généraliste, est tombé en plein dedans comme Obélix dans sa marmite de potion magique. Depuis son plus jeune âge, c’est une passion dévorante avec un thème de prédilection : le « Judaïca ». Au fil des ans, il a accumulé des trésors et, parallèlement, cherché à faire bénéficier le plus grand nombre d’amateurs de ses découvertes. Et c’est ainsi, que dans les années quatre-vingt, le bi-mensuel sioniste La Terre Retrouvée, lui confie une rubrique. Puis ce sera le journal de l’AMIF et, enfin, L’Arche.


Le livre qu’il nous propose est tout simplement somptueux. Une maquette originale, de très belles couleurs, un classement astucieux, des textes d’une clarté exemplaire.
En fait, la judéité d’un timbre ou d’un courrier n’est pas toujours apparente et il faut souvent des trésors d’ingéniosité, des heures de recherche, pour établir des filiations incontestables. Certes, des timbres représentant René Cassin, Albert Einstein, Chagall, Cholem Aleikhem ou Léon Blum sont immédiatement typés. Tout comme ceux célébrant le 120 ème anniversaire de l’ORT ou le 850 ème anniversaire de la naissance de Maïmonide. Ou ceux représentant des synagogues. Même chose pour des courriers libellés en hébreu ou en yiddish. Ou, tout simplement, pour tous les timbres d’Israël.
Grâce à la ténacité de Claude Wainstain, nous savons désormais que la princesse Marie-Alice de Monaco, née Heine était juive. Veuve à vingt ans du duc de Richelieu, elle épousa, en 1889, le prince Albert 1er de Monaco qu’elle abandonna pour rejoindre son amant, un compositeur anglais…Isidore Cohen de Lara. Nous apprenons avec stupéfaction que le dernier tsar de la Bulgarie médiévale, Ivan Chichman était le fils de Théodora alias Sara, une juive montée sur le trône parce le souverain, Ivan Aleksander tomba follement amoureux d’elle.
Connaissez-vous Albert Ballin ? Ce treizième enfant d’un Juif danois installé à Hambourg, qui fut le familier de l’empereur Guillaume II, dirigea l’une des plus importantes compagnies maritimes du monde, la HAPAG. Révélation extraordinaire : son petit-fils devint chancelier d’Allemagne. Il s’appelait Helmut Schmidt !
Et Markus Bloch, l’ichtyologue, entendez le spécialiste des poissons, qu’évoque-t-il pour tout un chacun ? Grâce encore à Wainstain qui a débusqué son nom inscrit en lettres minuscules sur des timbres du Mozambique, des Philippines, de Chine ou de Cuba, nous apprenons que cet étonnant personnage abandonna rapidement l’exercice de la médecine pour se consacrer à l’étude de la faune aquatique. Des centaines de poissons portent désormais son nom. Dans le même esprit, Sir Lionel Rotschild qui consacra, lui, sa vie, à l’étude des fleurs, se retrouve sur de nombreux timbres des Iles Solomon, du Ghana, de la Côte d’Ivoire ou de la Sierra Leone. Quant au chirurgien juif danois, découvreur du rhododendron, Nathanael Wallich, il donna son nom à des nombreuses espèces et son nom figure sur des timbres du Vietnam, de Malaisie ou de Singapour.
On n’en finirait pas d’égrener les trouvailles de l’auteur. Parmi les Juifs méconnus, les physiciens danois, prix Nobel, Niels Bohr et George de Hevesy, le cinéaste allemand Fritz Lang, le magicien Erich Weiss alias Harry Houdini, fils d’un rabbin américain, Isaac Isaacs gouverneur général de l’Australie, l’espagnol Isaac Carasso, créateur du yaourt Danone ainsi nommé en l’honneur de son fils Daniel. Au Fujeira, pays musulman, des timbres discrètement estampillés « Danone » étaient offerts en cadeau aux acheteurs de yaourts Fruki produits par la firme.
Sans oublier Fiorello LaGuardia, maire de New York de 1934 à 1945, fils d’une Juive de Trieste, Irène Coen-Luzzato, Crescas de Carcassonne, plus connu sous son pseudonyme de Nostradamus, le peintre Camille Pissaro, le photographe révolutionnaire Man Ray, Boris Volynov, premier cosmonaute juif de tous les temps, Samuel Heymann de Ricquelès, un pharmacien d’Amsterdam qui inventa l’alcool de menthe bien connu , Dennis Gabor, prix Nobel, inventeur de l’hologramme, le sculpteur Ossip Zadkine et l’inventeur de l’espéranto, Lejzer Zamenhof.
Charlie Chaplin est l’exception qui confirme la règle. Contrairement à une légende tenace, il n’était pas juif. Mais Claude Wainstein accepte de le considérer comme un « Juif d’honneur » et de le faire figurer dans son album.
Un ouvrage exceptionnel qui mérite de trouve sa place dans toutes les bibliothèques.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Biro. Septembre 2007. 272 pages grand format. 49 euros.