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Publié le 22 Janvier 2007

Juifs et Arabes en Israël et en Palestine : le poids des nombres de Sergio DellaPergola

Pour évaluer les relations politiques entre deux groupes aux identités ethno religieuses et politiques différentes, voire hostiles, il est important de comprendre les tendances démographiques, historiques et actuelles, et leur impact sur les perceptions psychosociales et les identités publiques. Dans un article récent publié par la revue générale de stratégie Agir (N°29 – janvier 2007) qui porte sur « l’engrenage démographique », Sergio DellaPergola qui est Professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem et Directeur de recherches à l’Institut de planification d’une politique pour le peuple Juif (1), revient sur les transformations démographiques qui ont lieu dans cette région, dans un article intitulé « Juifs et Arabes en Israël et Palestine : le poids des nombres.


Dans cette courte étude Sergio DellaPergola rappelle qu’elle a été le contexte politique en 2006. Nous le savons aujourd’hui, les élections 2006 étaient devenues un référendum sur la « question existentielle cruciale du débat politique israélien : le désengagement unilatéral des territoires palestiniens voulu par l’ancien Premier ministre d’Israël, Arien Sharon, obtiendrait-il l’appui définitif du public ? L’auteur revient également sur le rétrécissement de la droite politique et le passage de beaucoup d’électeurs eu centre de l’échiquier politique israélien. La ligne politique défendue par Ariel Sharon avait prévalu mais son nouveau parti, Kadima, obtenait un soutien électoral bien moindre que prévu. Par la suite, le nouveau gouvernement dirigé par Olmert avait reçu le mandat clair de poursuivre l’objectif historique de la recherche d’une solution permanente au conflit israélo-palestinien. Quelques semaines plus tôt, le 25 janvier, s’étaient tenues les élections du renouvellement du Parlement de l’autorité palestinienne avec la victoire du Hamas.
L’auteur revient ensuite sur le contexte historico démographique. Il rappelle qu’Israël et la Palestine sont des entités politiques distinctes dans le conflit, mais qui forment aussi un système régional intégré dont la dynamique et les interactions appellent une évolution commune. Leur superficie totale s’élève à 27 555km2, soit l’équivalent d’une région française de taille moyenne. Le territoire peut être divisé en zones à prédominance soit juive soit arabe.
Sergio DellaPergola revient ensuite sur les déterminants des évolutions démographiques.
Santé et mortalité :
* En 2003, l’espérance de vie à la naissance des Juifs était de 78,3 ans pour les hommes et 82,2 pour les femmes (2).
* Parmi les Arabes israéliens, 74,9 et 78,2 ans respectivement pour les hommes et les femmes.
* En Cisjordanie 71,4 pour les hommes et 75,5 pour les femmes.
* A Gaza respectivement 70,4 et 73,4.
Fécondité :
L’auteur rappelle que les niveaux de fécondité et le nombre annuel de naissances sont les moteurs de la croissance démographique en Israël et en Palestine.
Le modèle prédominant en Israël a été celui de la convergence. Les Israéliens juifs en provenance d’Asie et d’Afrique, d’Europe et d’Amérique ont convergé vers un niveau assez élevé de fertilité selon les standards occidentaux : de 2,5 à 3 enfants par femme en moyenne. Pour les générations suivantes nées en Israël, les différentiels de fertilité relatifs des femmes juives ont pratiquement disparu. Le même processus de convergence a caractérisé les chrétiens arabes d’Israël, et plus récemment, la communauté druze.
Selon l’auteur, les musulmans israéliens constituent l’exception notable. Ils ont présenté un taux de presque 10 en moyenne pendant le début des années 1960, suivi d’une baisse de fécondité significative pendant les années 1970 et le début des années 1980, jusqu’à 4,5 enfants par femme entre le milieu des années 1980 et 2000. En 2005, la tendance à une baisse modérée de la fertilité a réapparu.
Dans les territoires, selon le Bureau palestinien des statistiques, les niveaux de fécondité sont beaucoup plus élevés. Les niveaux actuels sont plus élevés à Gaza (plus de 5 enfants en moyenne) qu’en Cisjordanie (légèrement au-dessous de 5), et ils sont plus élevés dans les territoires palestiniens que parmi les citoyens musulmans israéliens (4,0 enfants en moyenne en 2005).
Equilibres de population :
L’auteur rapporte que dans les limites juridiques de l’Etat d’Israël hors Cisjordanie et Gaza, en 2005, 76% de la population totale étaient Juifs et 3% étaient membres non Juifs de familles juives, soit un total élargi de 79%. Dans les régions naturelles à majorité juive, les Juifs représentaient environ 93% de la population résidante. Dans les régions naturelles à minorité juive, les Arabes constituaient plus de 76% de la population résidante.
L’auteur rappelle que le Golan, qui a une faible population à majorité druze, est inclus dans ces totaux. Les territoires situés dans et autour de Jérusalem, sont peuplés à environ 54% d’Arabes / Palestiniens et à 46% de Juifs (dans les nouveaux quartiers construits depuis).
En Cisjordanie, la présence juive représente environ 10% du total, et à Gaza, elle n’avait pas atteint 1% par rapport à la population palestinienne avant le désengagement de 2005.
Parmi la population totale située entre la mer Méditerranée et le Jourdain en 2000, 53% étaient Juifs, 2% étaient des membres non-juifs de ménages juifs, soit un totale de 55%.
Projections de populations :
Sergio DellaPergola se livre ensuite à un exercice difficile et hasardeux, la projection de population, hors changements démographiques soudains, tels que des vagues importantes de migrations imprévues. L’auteur pense que des changements significatifs peuvent se produire dans les niveaux de fécondité.
La taille de la population
Suivant les dynamiques existantes, la poursuite d’une croissance démographique rapide peut être attendue en Israël et en Palestine au cours des prochaines décennies. La population estimée en 2000 à 9,3 millions sur tout le territoire d’Israël et de la Palestine, dont 6,3 dans l’Etat d’Israël, devrait croître de 10,6 à 12,1 millions en 2010, et jusqu’à 15,6 millions en 2020.
En raison du rythme différentiel de croissance démographique, dans tous les scénarios, le poids d’Israël tend à diminuer avec le temps, par rapport à la population globale incluant Cisjordanie et Gaza.
La population juive élargie atteindra entre 50,2 et 54,9% en 2010 contre 55,5% en 2000. Elle devrait atteindre entre 44,3 % et 51,9% en 2020.
En Israël hors territoires, la proportion des Arabes/ Palestiniens passera en outre de 18,6% en 2000 à 20,6% - 20,9% en 2010 et 22,8 – 2 »,6% en 2020.
Marc Knobel
Agir, n° 29, janvier 2007, 12 euros.
Notes:
1. Le site Internet du CRIF a consacré plusieurs articles pour parler de cet institut : http://www.crif.org/index.php?page=articles_display/detail&aid=7155&returnto=search/search&artyd=10
2. A titre comparatif et pour la France, selon les données des enquêtes de recensement 2004-2006 publiées par l'Insee, l'espérance de vie a continué de s'allonger pour atteindre 77,1 ans à la naissance pour les hommes et 84 ans pour les femmes (contre 76,7 ans et 83,7 ans respectivement en 2005).