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Publié le 29 Septembre 2004

L’Arabe et le Juif Dialogue de guerre de Hamid Barrada et Guy Sitbon (*)

En fait de dialogue de guerre, ce livre à trois voix, puisque Philippe Gaillard, ancien rédacteur en chef de Jeune Afrique, tente d’y tenir le rôle ingrat de Monsieur Loyal, est un véritable dialogue de sourds. Entre Hamid Barrada, lui aussi ancien rédacteur en chef de Jeune Afrique, directeur de Maghreb-Orient à TV 5 et Guy Sitbon, Juif tunisien, ancien communiste, journaliste et écrivain, lui aussi lié à Jeune Afrique, tous deux réputés « hommes de gauche », on aurait pu s’attendre à un débat courtois bien que serré. On assiste à une volée de diatribes et d’anathèmes. Si l’ancien condamné à mort marocain n’a pas beaucoup évolué, il est certain que Guy Sitbon, lui, s’est très fortement rapproché d’Israël et adopte des positions que certains pourront qualifier de droitières. Étonnant.




L’engagement pro-palestinien d’Hamid Barrada est sans ambages. Son opinion, basée entre autres sur les travaux de Michel Warschawski, qu’il cite souvent tout comme il se réfère à Eyal Sivan et Michel Khleifi, ou encore Jean Daniel, est faite « Dans le conflit israélo-arabe, les Palestiniens sont plus que jamais des victimes ». Et comme son ancien ami a changé, qu’il est « devenu juif comme Sharon », il lui a fallu se replier sur sa propre tribu, « devenir arabe comme je ne l’ai jamais été, comme un militant du Hamas ».

Dès lors, le ton est lancé, dans une spirale ascendante de violence verbale.


Sitbon : « D’allié des Palestiniens que j’étais, je suis devenu, je peux le dire, leur ennemi en voyant que la masse des Palestiniens et des Arabes soutenait frénétiquement une guerre criminelle et suicidaire ».

Sitbon encore : « Que fait Sharon ? Ce que j’aurais fait, ce que tu aurais fait, ce que n’importe qui aurait fait à sa place : il se bat contre une agression interne appuyée par le terrorisme ».

Sitbon toujours : « Je dis que le menteur, je le connais, c’est le Palestinien, c’est l’Arabe. »

Barrada, en écho : « Le refus arabe, les Israéliens en ont besoin pour faire oublier leur expansionnisme. Ils ne veulent rien donner, par conséquent, ils disent que les Arabes refusent. C’est une ruse de guerre qui ne trompe plus personne ».

Ou encore : « Le Palestinien dont la maison est bombardée ou rasée par un bulldozer voit qui en face ? Un nazi, c’est-à-dire le comble de l’ennemi ». Et, en bouquet : « J’ai l’impression que beaucoup de Juifs sont contents de la puissance d’Israël. Ils ne sont plus, Dieu merci, des victimes, mais ils sont des profiteurs de guerre. Ce ne sont pas les Juifs de la Shoah, ce sont les Juifs de Sharon ».


Face à un discours de mauvaise foi et parfois, par provocation, peut-être, Sitbon pousse incontestablement le bouchon un peu loin : « Aux yeux de millions de gens, vous apparaissez comme la plaie du monde…Devenez comme tout le monde, pas la plaie de l’humanité ». Et d’ailleurs, « C’est très difficile de parler avec un Arabe. D’abord, il vous coupe toujours et il monopolise la parole, ensuite il ne vous écoute pas forcément ». Après avoir vanté les mérites de la colonisation française en Afrique du Nord, Guy Sitbon, pour qui, « L’arabisme est agressif comme l’islamisme » ajoute, péremptoire : « La civilisation arabe est morte » et remarque : « Le monde arabe n’a pas donné à la culture universelle une seule figure de génie depuis Ibn Khadoun au XIVème siècle ».


Après avoir, arguments à l’appui, démontré que le monde arabo-musulman, après avoir expurgé les Juifs de ses pays, fait de même avec les chrétiens, donnant aux villes arabes un côté uniforme inquiétant : « Des Arabes, des Arabes, rien que des Arabes », Sitbon lance une dernière pique à un Barrada qui n’en peut mais : « Tous les Arabes ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont arabes ».


Finalement, l’élément le plus original de l’ouvrage est la techouva de Guy Sitbon qui n’hésite pas à conclure : « Je suis heureux de t’en avoir convaincu ». Et l’autre : « Ah bon… ». Fin.


Un livre intéressant mais un débat qui n’ouvre aucune perspective.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Plon. Avril 2004. 276 pages. 18,50€