Au départ, une idée simple : que serait notre planète si le débarquement salvateur des Américains en Normandie avait échoué ? Si les nazis, in fine, l’avaient emporté ?
Le héros du roman, Franck Villedier, meilleur spécialiste français de l’histoire de l’Europe de l’après-Guerre, va le savoir et nous faire pénétrer, en même temps que lui, dans un monde parallèle. Rien ne prédestinait, au demeurant, ce professeur, employé par le CDHI, Centre de Documentation Historique International aux allures d’inspecteur Colombo, marié, un enfant vivant en Colombie, et habitant le XIXème arrondissement de Paris, à vivre une aventure hors du commun. Tout commence un vendredi 7 août 2009. Au CDHI, sa fidèle secrétaire, Rosine, lui a préparé les dossiers dont il a besoin pour affronter son mortel ennemi, le professeur Saraillon, sur la chaîne de télévision Histoire. Des dossiers, en fait des correspondances, qui couvrent la période 1945-1947. Rosine, un tantinet amoureuse de son patron, lui a même déniché un exemplaire du Figaro daté du 23 mai 1947 ! À Paris, le temps est lourd, orageux. Le thermomètre annonce 39°C. Soudain, la foudre qui frappe, Franck qui s’évanouit. Lorsqu’il retrouve ses esprits, il a un mal de crâne carabiné et sa secrétaire, Rosine a disparu. Pour sûr, se dit-il, je vais rapidement aller consulter ce bon vieux docteur Mimouni. Dans un coin du bureau, le précieux exemplaire du Figaro traîne. En lisant le titre de une, Franck se demande s’il rêve ou s’il est bien éveillé : « Visite du chancelier Adolf Hitler à Paris le 6 juin 1947 ». Dans le corps de l’article, il est question de préparer les festivités du 6 juin célébrant la déroute des Américains lors du débarquement en Normandie. Pour sûr, il s’est passé quelque chose. D’autant plus qu’il ne reconnaît plus la pièce du CDHI qui, mystérieusement, a perdu ses rayonnages de livres au profit d’un mobilier d’un autre âge.
Dans les rues, le spectacle le surprend. Il ne reconnaît ni Paris ni ses habitants. La place de la République est baptisée place du IIIème Reich, l’avenue du général Leclerc s’est transformée en avenue d’Orléans, son appellation antérieure, la place Denfert-Rochereau qu’il traversait tous les jours porte une plaque au nom du maréchal Pétain, l’avenue Gambetta porte désormais le nom de Pierre Laval et de vieilles Volskwagen circulent au milieu de bus à impériale. Dans le métro, les poinçonneurs font toujours leurs petits trous. « S’il ne s’agissait pas d’un cauchemar, il ne pouvait être la victime d’un phénomène surnaturel. Ça, il n’y croyait pas. Son cartésianisme restait inébranlable, même dans de telles circonstances ». Une seule possibilité : une faille spatiotemporelle l’a transporté dans un monde parallèle. Avec une carte bancaire probablement inutile dans ce monde de fous où nul Maghrébin, nul Africain, n’était visible et avec soixante-dix euros sans aucune valeur en poche, une question essentielle taraudait Franck : « Comment survivre ? C’est par des bribes de conversation avec des clochards devenus des amis et dont l’un, d’ailleurs, lui prêtera de l’argent, que Franck reconstitue peu à peu l’Histoire de France telle qu’elle s’est faite dans la fracture spatio-temporelle dans laquelle il a échoué. Et celle du reste du monde, aussi. En France, la royauté a été rétablie dans les années cinquante et c’est Charles XIII qui règne sur le pays. Son père, Charles XII a été à l’origine de la politique de dénazification du pays et les anciens nazis sont désormais sous les verrous. En mai 1988, un mouvement étudiant très puissant a fait trembler les socles de la société. Des élections générales se préparent dans le pays pour le 18 octobre prochain. L’Amérique a sombré dans la dictature, la Chine qui avait failli devenir communiste est le pays le plus dynamique de la planète. Au Proche-Orient, enfin, toutes les populations locales ont été massacrées ou déportées après l’élimination des Juifs. L’Égypte, la Syrie et la Jordanie se livrent une guerre sans merci. Quant à l’État d’Israël, il n’a jamais existé et pour cause. La folie meurtrière d’Hitler a éliminé la totalité des Juifs y compris en Palestine.
Au fil de sa pérégrination, Franck Villedier va découvrir, ici et là, quelques Juifs cachés et, grâce à la possibilité scientifique de ponts entre deux univers, il parviendra à retrouver sa bonne vieille planète, celle où a été créé, en 1948, un État juif prospère et démocratique.
Nul doute que ce récit bien ficelé contient les germes d’un scénario digne d’un grand film. Chasseurs de têtes nouvelles et d’idées originales, à vos marques !!!
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Édilivre. Décembre 2008. 276 pages. 19 euros