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Publié le 22 Octobre 2003

L’exclusion des Juifs des pays arabes

L’attention continue portée par les médias sur le douloureux et délicat problème des réfugiés palestiniens a totalement occulté une facette essentielle du conflit israélo-arabe : le sort des centaines de milliers de Juifs qui, au gré des exactions et des guerres proche orientales, ont été amenés à quitter des terres habitées depuis des millénaires pour rejoindre l’État juif.



Par la force ou par la ruse, entre 1940 et 1970, quelque 900 000 Juifs ont fui en catastrophe, abandonnant leurs biens, leurs familles, leurs cimetières, leurs institutions, leurs synagogues et leurs amis pour un exil dont le traumatisme n’est pas près de s’effacer dans les mémoires. 600 000 d’entre eux sont désormais des citoyens d’Israël.

D’une riche diversité, les textes de cet important volume ont, pour l’essentiel, été présentés lors d’un symposium international organisé à Paris fin 2001. On sera reconnaissant à l’équipe de l’excellente revue Pardès, réunie autour de Shmuel Trigano, d’avoir eu l’excellente idée de les réunir et de les proposer à un large public.

À ceux qui, souvent par angélisme, affirment que la vie des Juifs dans les pays arabo-musulmans, a toujours été, à travers les siècles, un véritable paradis, l’incontournable Bat Ye’or vient opportunément rappeler la scandaleuse condition de la dhimma, de la citoyenneté de seconde zone en terre d’islam, examinée à l’aune des exigences du jihad. Aujourd’hui encore, précise l’auteur, ce statut infamant est reconnu valable par de nombreux juristes et théologiens musulmans et par la charte du Hamas.

À l’heure où l’on voit poindre au Maroc -où ne subsistent aujourd’hui que quelques milliers de Juifs sur les centaines de milliers que comptait le pays- des velléités d’antisémitisme, il n’est pas inutile, comme le fait Ruth Tolédano Attias, de rappeler l’extrême misère des Juifs confinés dans les mellahs et soumis, à l’arbitraire le plus total. Entre 1862 et 1912, que d’événements tragiques : le sac du mellah de Casablanca en 1907, celui de Fez en 1912. Massacres de Juifs, « incendies, viols, vols, rapts, rien ne manque » à ce sombre tableau, affirme, preuves à l’appui, cette socio historienne.

On comprend dès lors pourquoi Albert Memmi, dans un article paru dans L’Arche en 1973, « Moi, Juif, né parmi les Arabes », ait reproché avec vigueur aux historiens d’avoir contribué à entretenir le mythe d’une « entente judéo-arabe ».

On lira avec émotion le témoignage de Naïm Kattan sur le pogrom, le fahroud, de Bagdad en 1941 alors que l’Irak était sous la coupe du gouvernement pro-nazi de Rachid al Gaylani. Témoin du drame, Kattan, qui avait seize ans raconte : « Des hordes de bédouins, d’habitants des quartiers populaires, se sont abattus dans les rues où s’aggloméraient les Juifs, violant, assassinant et faisant main basse sur les biens ».

Juifs d’Égypte, de Syrie, du Yémen, de Libye, de Tunisie et d’ailleurs. Une véritable enquête qui permet désormais d’examiner les prétentions palestiniennes au « droit au retour » à la lumière de l’exclusion parallèle des Juifs des pays arabes. Un Tribunal présidé par le juge Arthur Goldberg, ancien ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU et siégeant à Washington en 1987 a examiné les requêtes présentées par la WOJAC, Organisation mondiale des Juifs originaires des pays arabes. Ses précieuses conclusions servent de base à la position actuelle du gouvernement israélien, fermement décidé à mettre dans la balance ce dossier essentiel lors de futures négociations.

Malgré les redites inévitables dans un recueil de ce genre, cet ouvrage est un document remarquable dont la lecture est nécessaire pour appréhender le conflit israélo-palestinien d’une manière exhaustive et objective.

Jean-Pierre Allali

L’exclusion des Juifs des pays arabes. Aux sources du conflit israélo-arabe. Collectif d’auteurs. Éditions In Press. 408 pages. 26€