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Publié le 28 Janvier 2011

L’islam de La Mecque à Oslo, Par Abraham Brami (*)

Voici un livre particulièrement intéressant, truffé d’informations originales puisées, semble-t-il, aux meilleures sources, mais qui pêche par certains défauts dont l’auteur aurait pu faire l’économie.




« J’ai entrepris ce travail, explique Abraham Brami, en préambule, dans la perspective d’apporter ma contribution à une meilleure contribution historique de l’Islam, première religion monothéiste de notre planète ». Et de préciser, d’emblée, sa ligne philosophique : « Parce que l’Islam, après un début prometteur, tourna le dos à la science, à la philosophie et à la médecine, il y a plus d’une dizaine de siècles, il s’est enfermé dans la magnificence d’un passé mythique qui permettait aux pouvoirs corrompus de gouverner des ignorants. Pouvoirs en grande partie responsables aujourd’hui du climat d’aberration dans lequel baigne le monde arabo-islamique ».



Le livre comporte quarante-trois chapitres, une conclusion et un glossaire, mais ce sont incontestablement les pages consacrées à la vie du prophète Mahomet et, surtout, à ses relations avec les Juifs qui présentent le plus d’intérêt.



Pour ce qui est de la vie de Mahomet, des précisions utiles nous sont données sur sa naissance, le 20 août 570 de notre ère, sur son père Abd-Allah et sur sa mère Amina, sur son enfance, sur son grand-père, Hamza ben Abd el-Muttalib, sur son mariage avec Khadîdja, sa première épouse, une riche veuve chrétienne nestorienne, qui lui donna sept ans enfants dont seules trois filles, Zeynab, Rouqayya et Fatma, survécurent, sur son riche oncle Abû Bakr, du clan hachémite dont il épousa la fille Aïcha en conclusion d’une alliance, sur sa relation conflictuelle avec le clan omeyade dirigé par Abû Süfyân et sur ses prédications qui « reflétaient une sensibilité sociale puisée essentiellement dans la Bible hébraïque ». « Il adressait ses prières à Allah en se prosternant en direction de la Mosquée éloignée (Jérusalem), il fêtait avec les Juifs Rosh Hashana, Jour de l’An juif et Yom Kippour, journée de jeûne qui clôture les dix jours de pénitence ». Sur sa mort, enfin, le lundi 8 juin 623 de notre ère, la tête sur les genoux de Aïcha. Il avait 63 ans.



Pour expliquer la relation, d’abord amicale puis tumultueuse entre Mahomet et les Juifs, l’auteur remonte au royaume juif sabéen ou himyarite d’Arabie du Sud qui, au début du VIème siècle fut envahi et détruit par les Chrétiens abyssins d’Aksoum. Les Juifs se replient alors au cœur de l’Arabie du Nord dans la région de La Mecque autour des oasis de Khaïbar et de Yathrib qui prendra plus tard sous le second calife, Omar el-Khattab, le nom de Médine. Là vivaient aussi, à la périphérie de l’oasis de Yathrib, deux tribus nomades idolâtres, les Aws et les Khazradjs.



Yathrib, oasis de 35 km2, était donc la propriété de trois tribus juives : les Bani-Quaïnouqa alliés aux Khazradjs, les Bani-Nâdir et les Bani-Qureïza, alliés aux Aws. C’est là que Mahomet, en difficulté, trouva refuge avec quelques-uns de ses premiers partisans, les Mouhadjîroun.



Abraham Brami décortique excellemment le processus psychologique qui mènera à un retournement d’alliance qui conduira à l’anéantissement des Juifs de Yathrib qu’il n’hésite pas à qualifier d’ « épuration ethnique ». « Les autres petites principautés juives se soumirent sans combattre à l’exception des Bani-Liyyâne vaincus à Dhou-Karad, et les Bani-Moustâlek en un lieu indéterminé ».



La biographie du prophète de l’islam, la Sîra, révèle à celui qui l’étudie, affirme l’auteur, deux périodes très différentes de la vie de Mahomet. Celle de La Mecque et celle de Médine. « Était-ce le même homme ? » se demande Abraham Brami.



Un travail remarquable et dense, donc. Je parlais en tête d’article, de défauts. Le premier est celui d’une relecture orthographique et grammaticale insuffisante. D’autre part, les répétitions sont très nombreuses. Comme si l’auteur, procédant par collages successifs, n’avait pas pu empêcher les redites qui sont flagrantes. Enfin, et surtout, le ton de certaines critiques manque parfois de modération. J’ajoute qu’en début d’ouvrage Abraham Brami remercie nombre de spécialistes envers lesquels il a contracté, dit-il, une lourde dette, de Maxime Rodinson à Jacques Benoist-Méchin en passant Bernard Lewis et Malek Chebel. On sera étonné de ne pas y voir figurer Jean-Pierre Péroncel-Hugoz dont « Le radeau de Mahomet » (1) est un élément essentiel à la compréhension de l’islam et, pour ce qui est de la dhimmitude, l’incontournable Bat Ye’or (2).



Reste un ouvrage, redisons-le, très intéressant qui mériterait d’être revu, amendé et quelque peu raccourci, lors d’une seconde édition.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions BOD. Juin 2010. 412 pages. 25,90 euros
(1)Éditions Flammarion. 1984
(2)Lire notamment, de cette auteure « Le Dhimmi. Profil de l’opprimé en Orient et en Afrique du Nord depuis la conquête arabe. Éditions Anthropos. 1980.



Photo : D.R.