Les autorités craignent des attaques contre les salles de cinéma, de nouveaux attentats et autres bains de sang. Mais si cette menace est bien réelle, une capitulation anticipée n’est pas la bonne réponse. La bonne réponse, c’est d'assurer la sécurité des cinémas, autrement qu’en postant un frêle vieillard armé à côté d’un vétuste détecteur de métaux. La bonne réponse, ce serait d'avoir le courage de se moquer, d'une part, de Ben Laden et, de l'autre, de la façon dont le monde perçoit le Pakistan. L’Etat surprotecteur montre encore une fois qu’il fait plus de mal qu’il ne protège. Apparemment, la logique qui l’anime veut qu’on courbe l’échine devant les exigences des terroristes, en l’occurrence en les devançant avant même qu’ils ne se soient exprimés, dans l’espoir de les prévenir. Que ferions-nous alors si ces terroristes commençaient à s’opposer à la présence des femmes sur leur lieu de travail ou même dans la rue ? S'ils se mettaient à refuser l’existence même des minorités religieuses ? Ou bien s'ils voulaient mettre fin aux institutions démocratiques ? Oh, une minute. On croit fébrilement que si l’on change notre mode de vie et que l'on obéit à leurs règles afin de ne pas froisser les terroristes, ces derniers nous laisseront peut-être tranquilles. Remarquez, cela les rendrait inutiles : à quoi serviraient-ils si le gouvernement acceptait de faire le travail à leur place ?...
Naturellement, Tere Ben Laden trouvera lui aussi, tôt ou tard, un moyen d'être vu par ceux qui souhaitent le voir. Il sera copié et les DVD distribués sous le manteau. Dans l'histoire, le distributeur officiel aura perdu beaucoup d'argent et l'Etat des recettes fiscales : voilà tout ce que le Bureau de la censure aura obtenu. Et le reste du monde sera de nouveau conforté dans sa conviction que les décisions du gouvernement pakistanais ne sont que l'expression de la volonté des talibans.
(Article publié dans le Courrier International du 22 juillet 2010)
Photo : D.R.