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Publié le 23 Septembre 2009

La danse de Rachel, par Monique Zerdoun (*)

Avec son nouveau roman, Monique Zerdoun nous fait retrouver le rue de la Mémoire-fêlée chère à son cœur (1) et l’Algérie de son enfance. À Aïn-el-Kelma, la « source de la parole », petite ville du Constantinois, au pied de la colline de la Mahouna, localité tout droit sortie de l’imagination de l’auteure, des personnages du temps jadis, hauts en couleurs, nous rappellent le temps, hélas révolu, où des Juifs, beaucoup de Juifs, vivaient en Algérie, à Ksenteïna et ailleurs. Nous sommes dans les années trente, peu avant le tristement célèbre pogrome de Constantine en août 1934.




À Aïn-el-Kelma vivent Simha, Mardochée, Sarah, sa fille Rachel, la petite sultane, Mona Cohen dont le mari, Michaël, disparut mystérieusement en Égypte lors d’une expédition et son fils, le beau et téméraire Ezra, qui n’hésita pas un jour, alors qu’un riche notable arabe à cheval lui ordonnait, conformément aux pratiques de la dhimma, de lui céder le passage aux cris de « Jui-fils-de-Juif » à le bombarder avec les œufs de son panier. Dans son récit savoureux, à l’intrigue étonnante et bien ficelée, Monique Zerdoun, à la manière d’un Isaac Bashevis Singer, dans un autre registre, nous décrit, avec un doigté amoureux les personnages les plus extraordinaires : voici le mercier, monsieur Danan, Keller, le coiffeur-barbier d’origine alsacienne, Habib le cafetier, , Danobruno, le prince juif déchu, Benyamine Attlan, le menuisier, Hakim, le marabout et sa promise, Saliha-fille-de-Hadidja, l’employée de maison philosophe, El-Turkey, le bourrelier anatolien, amoureux fou de son cheval, Gheïda, la blanchisseuse. Et Meriem la Déesse qui parle au Bon Dieu dans le langage des sourds-muets pour prédire l’avenir, Ma’Hafsa, guérisseuse et chasseuse professionnelle de mauvais sorts, Bentkia la sage-femme, la vieille Ma’Rzella et Sion le commissionnaire, Marocains tous les deux, Saadia l’albinos, le cabaliste, Yosseph le bedeau de la synagogue, Nessim-petit-pot-en-or, Rebbé Benhas-le-clairvoyant, Rebbé Sion, le circonciseur boiteux, Gaston-le-bègue, le sonneur de cloches et bedeau de l’église, le père Anasthase, curé de la paroisse, Gana, le crieur public, Marco-le-Maltais et Madame Horn, directrice de l’école laïque et républicaine, veuve de son état et maîtresse officielle du capitaine de gendarmerie depuis vingt-cinq ans.



Sans oublier l’opulente Madame Coco, la sous-maîtresse qui régnait sur sa maison close comme une poule sur sa couvée. Et bien d’autres encore…



Un jour, c’était écrit, Rachel, poussée par sa famille, épousa le bel Ezra. Une union qui sera marquée dès le départ par une malédiction. Rachel, stérile, ne pourra pas assurer de descendance à son époux. Pour que leur couple ne se défasse pas, face à la pression familiale, les deux époux, éperdument amoureux l’un de l’autre, vont se résigner à envisager une solution terrible, d’un autre âge, mais nécessaire.



Il était une fois, des Juifs en Algérie. Superbe !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions du Rouergue. Mars 2009. 240 pages. 18 euros
(1) Rue de la Mémoire-fêlée. Éditions Albin-Michel. 1989.