Pour conduire son récit très agréable à lire, Joseph Farnel utilise une numérotation originale des chapitres qui se réfère au siècle où se situe l’intrigue : du chapitre premier avant J.-C. au chapitre XXème après J.-C., c’est un déroulé de l’Histoire du monde et, plus particulièrement de l’Histoire de France.
Au temps du roi David, il y a bien longtemps au pays d’Israël, vivait une famille, les Yabrorh dont le père « aurait bien voulu être patriarche mais, économiquement faible et smicard du désert, il avait dû interrompre ses études très tôt ». Et le Yabrorh avaient une fille, Sarah, tellement belle que son père la destinait pour le moins à un prince. C’était hélas sans compter sur la méchanceté d’un homme, un jaloux, Isaac Oïvaïh, « une espèce de mendiant, sale, boiteux, bossu. Un œil fermé, les dents noires (pour celles qui lui restaient), le cheveu épais et broussailleux ». Bref, un Quasimodo en plus vilain si c’était possible. Et c’est ce gnome infâme au corps désarticulé qui va, dans un moment de délire consécutif à son infinie jalousie, lancer la malédiction : « Sarah Yabrorh, je te maudis ! Tu concevras dans la douleur. Ton premier et unique enfant sera une fille qui, elle aussi, sera maudite ainsi que sa descendance, jusqu’à ce que moi, qui vivrai éternellement pour voir s’accomplir cette malédiction, je décide de la lever. Sarah Yabrorh, tu es maudite ! » Et, pour ajouter à l’ignominie, Sarah, au moment où elle s’y attend le moins, alors qu’elle goûte les joies d’un amour désiré et partagé, sera violée par le monstre, tapi en embuscade. « La bête avait engrossé la belle. Le gnome avait planté sa maudite semence. Le germe en elle, la terrible malédiction commençait ».
De siècle en siècle, les Sarah successives subiront le même malheur : être violentées par un être abject et donner naissance à une fille qu’on prénommera Sarah. Jusqu’au jour, enfin, où une nouveau-né, enfin de sexe masculin, met fin au sortilège.
Le récit nous emmène petit à petit du temps de Jésus à celui des Gaulois et de l’Empire romain. En traversant allègrement les siècles, on retrouve avec plaisir Clovis, les ducs d’Aquitaine, Charlemagne et Charles Martel, les Croisades, Louis XI et Blanche de Castille, la Cour des Miracles, Henri IV, Molière, Napoléon…
La fin du roman, après les pages noires autour de la Shoah, nous mène à la création tant espérée de l’État d’Israël.
Dans son texte et, surtout, dans ses notes, Joseph Farnel n’hésite pas à pratiquer une forme d’humour noir, ce qui agrémente l’ensemble d’un sel piquant.
Étonnant et sympathique.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Cheminements. Préface de Michel de Decker. Février 2009. 400 pages. 22 euros.
(1) Éditions Cheminements. 2007. Voir notre recension du 17-06-2008
(2) Éditions Lucien Souny. Mars 2008. Voir notre recension du 27-10-2008