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Publié le 23 Novembre 2010

La méditation du pamplemousse - Tel-Aviv roman, par Stéphane Belaïsch (*)

Voici un livre pour le moins étonnant, complètement déjanté qui se lit tout d’une traite. Un premier roman, coup d’essai qui fleure bon le coup de maître, d’un jeune auteur au parcours personnel déjà très riche et très varié. Après avoir fait des études d’optique, Stéphane Belaïsch est passé par la publicité, le théâtre et le cinéma avant de se lancer dans l’écriture. En 2008, il a coréalisé, avec Emmanuel Naccache, un long métrage, Le syndrome de Jérusalem, qui a obtenu plusieurs prix dont celui du public au Festival du Film israélien de Paris.




Dans La méditation du pamplemousse, Stéphane Belaïsch jette un regard tout à la fois critique et tendre sur la société israélienne et plus particulièrement sur Tel-Aviv où il habite depuis plusieurs années. Dans un récit alerte et plein d’humour parfois acide, on suit avec curiosité les aventures cocasses de Max, la trentaine, adolescent attardé, fauché mais débrouillard, qui apprend subitement que son contrat de location ne sera pas renouvelé et qu’il doit, très rapidement trouver un nouveau logement. En Israël, quand on est jeune et désargenté, qui dit logement dit shutaf, colocataire. Car comment, sinon, s’acquitter de l’arnona, la taxe mensuelle d’habitation. Dès lors, entre deux méditations sur fond de pamplemousses soigneusement découpés en tranches et consommés sans modération, il convient de trouver rapidement une solution. Quitte à accepter de promener chiens et chats en échange d’un gîte aussi providentiel que provisoire. C’est sans compter sur les aléas du promeneur de chiens occasionnel qui découvre qu’un animal peut avoir ses manies comme celle de faire toujours ses besoins au pied du même arbre de la plantation du KKL ou de faire de véritables dépressions nerveuses en cas d’absence prolongée de ses maîtres.



Sur le ton de l’humour grinçant, les tribulations de Max sont l’occasion d’une description édifiante de la société israélienne, une société où les jeunes, au sortir d’un long service militaire, se lancent systématiquement dans un voyage lointain à l’étranger, en Inde, en Thaïlande ou ailleurs et qui, à leur retour au pays, deviennent des adeptes de la méditation style New Age, du yoga et de la position du lotus.



Une occasion aussi d’évoquer le conflit israélo-arabe. Ainsi, lors d’une équipée avec deux amis, Yves et Maud, Max se retrouve déguisé en père Noël à Sdérot, la ville martyre, victime pendant de longs mois des missiles Qassam qui se sont abattus sur elle, obligeant ses habitants à vivre terrés dans des abris. Max, Yves et Maud décident d’offrir des cadeaux à de petits enfants malades dans l’hôpital de la ville. Intention louable, au demeurant, mais, manque de « chance », ils s’aperçoivent un peu tard, que l’enfant auquel ils offrent un jouet est un petit Arabe. Ailleurs, c’est un père juif, celui-là, mais religieux qui refuse un lapin en peluche car c’est « assour » et « pas cacher ».



On se demande, au fil des pages, ce que Max fait dans ce pays, comment il y est arrivé. L’auteur nous le raconte dans un chapitre pétulant : alors qu’il habitait encore Paris, Max bénéficie d’une erreur en sa faveur d’un organisme social, l’APL, Aide Personnalisée au Logement : 5000 euros cash ! Une aubaine. Avec cette manne inespérée, il a offert une bouteille de champagne à 20 euros au fonctionnaire scrupuleux. « Sans qu’il le sache, ce type a changé le cours de ma vie. Avec cet argent, j’ai acheté un billet pour Israël. J’ai visité le pays de fond en comble et je ne suis jamais rentré à Paris ».



Max, qui n’en rate pas une et qui carbure au Viagra, n’hésite pas à entraîner dans la débauche des étudiants religieux : « Y a des bordels en Israël. Et même à Jérusalem. Ils ont pignon sur rue. Comme en France à la belle époque ».



On découvre avec Max qu’en Israël on ne connaît ni le Sopalin, ni le Kleenex. Le papier toilette est multifonction. Et si le falafel et le houmous ont encore de beaux jours devant eux, le jahnun, venu du Yémen, une pâte cuite qui se mange avec de la tomate pelée, est en train de faire un véritable tabac. Et le koubeh, une soupe avec des boulettes de viande enrobées dans une pâte, qui nous vient du Kurdistan, connaît aussi un franc succès.



À part ça, à Tel-Aviv et à Jérusalem et ailleurs en Israël, « Hakol beseder ».



Décapant.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions Denoël. Avril 2010. 272 pages. 18 euros.



Photo : D.R.