L’auteur a vingt-huit ans quand il est déporté dans ces wagons de Nuit et Brouillard vers les horreurs du camp de Treblinka. Et c’est là que les mots plongent dans l’innommable. Séparé de ses amis sur les rampes de mort, il échappe à la chambre à gaz et devient, sous les coups et les insultes, ce terrible porteur de cadavres, ce « dentiste » qui arrachait l’or aux mâchoires des victimes. Des jours infinis de terreur racontés dans l’urgence avant même que ne soient livrés les grands récits de la Shoah. Toute sa vie, Chil conservera ses carnets sous la paume de sa main, ajoutant souvenirs et événements, raturant au fil des larmes et des plaies encore brûlantes le long récit de la nuit des camps. Il dit en mots précis et avec quel réalisme, à l’égal de ce qu’a fait Claude Lanzmann dans Shoah, les chemins du crime, cet horrible entassement dans la chambre à gaz, ces derniers regards horrifiés avant la tombée du zyklon B. Il raconte ces exhumations insupportables où il fallait, à la main, arracher les cadavres aux boues des fosses pour les brûler et tenter de faire disparaître le plus grand crime contre l’humanité.
Photo : D.R.