De ses innombrables lectures, il a retenu un nombre incroyable d’histoires édifiantes, ce que l’on appelle, habituellement contes ou nouvelles talmudiques. Le florilège qu’il nous présente, « une goutte dans l’océan talmudique », est aussi éclectique qu’édifiant. Tous les traités y passent : d’Avoda Zara à Sanhédrin, de Berakhot à Yoma, de Ketouvot à Baba Batra.
Pour mettre un peu de piment, Elie Kahn emprunte à des auteurs, des cinéastes ou encore aux révolutionnaires de 1789, les titres de ses histoires. « Cette leçon vaut bien un… », « Le laboureur et ses enfants » et « Le chêne et le roseau » renvoient à Jean de la Fontaine, « Le discours de la méthode » à Descartes, « Les p…respectueuses à Jean-Paul Sartre, « Deux hommes dans un bateau » à Jérôme K. Jérôme, « La chute » à Camus. « Test Rorshach » se comprend bien, tout comme « Love Story ».
Comment est-il possible, se demande-t-on que le vénérable Talmud puisse évoquer des prostituées, des histoires d’amour ou de pari tiercé ? C’est pourtant le cas. Elie Kahn en convient qui affirme : « Construire des synagogues et des maisons d’étude dans les quartiers chauds des grandes villes paraît être une idée bizarre. Peut-être pas tellement après tout ». Et de nous raconter l’histoire croustillante de Rabbi Eléazar ben Dordaya dont on disait qu’il n’y avait pas au monde une prostituée avec laquelle il n’avait pas couché. Pour ce qui est de notre « Love Story », c’est celle de Rabbi Akiva et de Rahel dont il est dit que c’est celle d’un des couples les plus romantiques du Talmud. Quant aux jeux de hasard, après s’être demandé d’une manière faussement naïve : « On peut parier au tiercé, sur les résultats de matchs de foot, sur tout. Avez-vous entendu parler de pari sur les rabbins ? », notre conteur nous parle tout simplement de Hillel le sage et de Shamaï l’impulsif. Avec « Les gardiens de bœufs », c’est tout une brochette de rabbins qui défilent : Rabbi Hiya bar Zarnouki et Rabbi Shimon bar Yehotsadak, Rech Lakich et Rabbi Yohanan, Rabban Gamliel et même Yad Rama ( ça ne s’invente pas), acrostiche de Rabbi Meïr Halévy Aboulafia.
Quand au « Petit blond avec les chaussures noires » qui fait immanquablement penser à Pierre Richard, Elie Kahn, qui nous signale « qu’on ne rigole pas en Babylonie avec les excentriques », nous narre les aventures d’Eliezer le Petit qui avait des chaussures noires et qui arpentait le marché de Naardéa.
La saga s’achève avec « Shéhérazade, Sinbad et le Rabbi ou Les Mille et Une Nuits Talmudiques » où l’on nous dit que « Les Italiens ont Marco Polo, les Persans Sinbad le marin. Et nous autres les Juifs, nous avons Rabba bar bar Hanna.
Chacune des historiettes est découpée et analysée par tronçons, parfois par le canal de plusieurs lectures, parfois aussi, ce qui complique les choses, en introduisant une seconde histoire
« Si le lecteur arrive à la conclusion que ces textes vieux de près de deux mille ans le concernent, nous avons atteint notre but » dit l’auteur en préambule. Nul doute que cet objectif soit atteint.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Lichma. Hiver 2007. 160 pages. 14,90 euros