Dans son nouveau livre, une véritable somme, c'est en effet tout un monde méconnu de « passeurs », imprimeurs, libraires, protes, compositeurs, traducteurs - parfois tout à la fois - qui ont assuré non seulement la transmission de la culture juive traditionnelle, mais, à part égale avec les grands acteurs, philosophes, rabbins, théologiens, qui ont contribué plus tôt qu'on ne le pense à son renouvellement. Cette traversée de l'univers du livre dévoile l'existence et l'importance d'une couche intermédiaire qui travaille côte à côte, voire en partenariat, avec des chrétiens dans les ateliers. Voués au nomadisme, ces marginaux se vivent en même temps comme une élite artisanale formée pour lutter contre "l'ignorance". Ils désacralisent un objet savant - le livre - qu'ils s'efforcent de rendre attractif. En s'ouvrant à la langue populaire, le yiddish, et donc aussi à des publics nouveaux comme les femmes, les imprimeurs font reculer dans le temps le début des "Lumières juives"( Haskala), qui ici semblent poindre dès la Renaissance et ébranlent la hiérarchie séculaire entre maître et disciple…
Photo : D.R.
Source : lemonde.fr