English
Français
Mais, revenons-en à l’ouvrage de Dominique Vidal. Au fond qu’est ce qu’être juif, qu’entend-on par communauté juive et que transmet-on à ses enfants, se demande l’auteur ? Deux premiers articles tentent de mesurer ce qu’il en est de cette diversité juive française. Les Juifs peuvent diverger les uns des autres en fonction d’une multitude de facteurs : les événements extérieurs, éducationnels, conjoncturels, familiaux, de leur entourage et de la place qu’ils accordent à leur judaïsme, à l’observance, à la foi, l’histoire, la culture, la place qu’occupe Israël en leur coeur, etc.… Cependant et comme le remarque très justement l’auteur, un bref regard rétrospectif suffit à percevoir que la rejudaïsation amorcée à la fin des années 60 repose sur trois piliers fondamentaux - la religion, la solidarité avec Israël et la mémoire de la Shoah. Mais, « Si vous interrogez trente Juifs sur la judéité, vous obtiendrez trente réponses… au moins », prévient un rabbin, le rabbin Gottlieb.
Pour Jean-Yves Camus (journaliste à Actualité juive) il y a « d’un côté les Juifs qui affirment plus que jamais leur identité, de l’autre ceux qui s’assimilent et disparaissent. » Daniel Farhi (chef de file du mouvement juif libéral) estime que « la majorité des 600 000 juifs de France est hors de la Synagogue. » Il parle d’ailleurs de « crispation identitaire. » Henri Hajdenberg (ancien président du CRIF) reconnaît l’affirmation de la dimension religieuse. Pour Yoni (quinze ans, d’origine strasbourgeoise), « Etre Juif, c’est d’abord être religieux, c’est-à-dire se conformer à un idéal de vie, tel que la Bible nous l’enseigne ». A l’instar de Yoni, les élèves de terminale de son lycée, ne peuvent penser leur judaïsme hors de la religion. Yoni ajoute néanmoins que le « judaïsme doit être tolérant, pour rassembler le maximum de juifs, y compris ceux qui ne respectent pas la religion. » Samuel (étudiant à l’Institut de sciences politiques de Grenoble), lui, se rebellait facilement contre le respect de règles religieuses, en même temps qu’il souhaitait apprendre la culture et l’histoire juives. Comme il n’est pas possible de tous les citer, nous terminerons cette rapide présentation, en citant cette réflexion de Neni Wieviorka (une des chevilles ouvrières du Centre Yiddish Medem) : « Pour moi, celui qui arrive et se présente en disant « Je suis Juif », alors il est Juif. »
Qu’en est-il de leur relation à Israël ? « Ce conflit me traverse. Je suis fier de mon intégration et de ma culture française, de ma judéité et de mon attachement (non inconditionnel) à Israël. Je suis terrorisé à l’idée d’une prise de position brutale de la France contre ce pays. Je ne sais pas ce que je ferai » ajoute le rabbin Farhi. D’autres théorisent l’inconditionnalité de leur solidarité, précise Dominique Vidal. Et d’ajouter aussitôt qu’en pleine discussion sur les « dangers » que « comporte la politique du général Ariel Sharon pour Israël et les Juifs », ce responsable communautaire - qui préfère ne pas être cité - confie ; « Même ici, beaucoup de gens pensent que la politique de Sharon est dangereuse » Surprise de l’auteur : « ici, au 39 rue Broca. »
Mais alors, pourquoi se taisent-ils, se lamente l’auteur ? « Avec l’évolution démographique, Israël devient le principal centre juif. Et donne à chaque Juif français sa légitimité. C’est pourquoi nous ne pouvons pas critiquer le gouvernement israélien, quel qu’il soit », répond l’un d’entre eux. Quant à lui, Henri Hajdenberg, s’en prend aux « Juifs qui pétitionnent contre le premier ministre Sharon, sans pour la plupart militer dans la communauté au sein de laquelle s’expriment généralement les plus radicaux ! » Même reproche aux « grandes plumes juives », qui pèsent à l’extérieur, mais pas à l’intérieur de la communauté.
Dans cet article, les limites du genre sont cependant vite atteintes. Combien de voix divergentes pourraient faire entendre également leur propre distincte voix ? Et une réflexion souvent différente pourrait apporter au débat et à la réflexion, que les quelques citations - tout aussi respectables et intelligentes soient-elles - qui sont données et consignées dans ces quelques pages. Ces autres réflexions - tout aussi construites et parfaitement sincères - indiqueraient de toute manière que des divergences peuvent exister et que de nombreux courants traversent la communauté juive.
Par contre, un autre article est pour le moins surprenant : « Au nom du combat contre l’antisémitisme ». Dans cet article, Dominique Vidal prétend que des amis (de la cause Israélienne) mènent une charge phénoménale (et obscure (sic)) afin de discréditer leurs adversaires en sous-entendant continuellement et obsessionnellement que toute critique de la politique israélienne serait antisémite. Nous réfutons bien évidemment cet argument, qui n’a aucun sens. Dans cet article, de nombreuses personnes (militants, intellectuels et journalistes) sont citées -qu’elles fussent juives ou non- et quelle que puisse être par ailleurs leurs divergences sur la question et leur sensibilité personnelle. L’auteur pense que les uns et les autres se ressemblent dans une passion militante évidemment « sharonienne » (sic), et utilisent (forcément (sic)) de drôles de méthodes. Dans un raccourci pour le moins spectaculaire et très, très subjectif, l’auteur affirme que tous les moyens seraient mis en œuvre (de la diffamation aux procès), oubliant que de nombreuses personnes citées dans cet article participent tout simplement du débat sans invectiver personne mais en livrant leur opinion sur la question et le conflit, et que les procès qui ont été menés, premièrement : ne l’ont pas été par tout le monde et, secondement : qu’ils pouvaient sûrement se justifier. Curieusement, l’auteur oublie de désigner les quelques méthodes agressives qui peuvent être utilisées (eh oui…) par les militants pro palestiniens pour dédouaner et salir leurs adversaires et dénigrer ou « nazifier » continuellement Israël. Il est vrai que Dominique Vidal est engagé et que jusqu’à preuve du contraire, il considère très souvent que les seuls torts sont israéliens (forcément (sic)) et les seules fautes (évidemment (sic)) proviennent d’un seul et unique camp (ben voyons…). En d’autres temps, on se serait étonné d’un tel simplisme.
Marc Knobel
Observatoire des médias
Dominique Vidal, Le mal être Juif. Entre repli, assimilation et manipulations, Editions Agone, 2003, 127 pages, 9 euros.