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La guerre froide et les années 60 :
Le 12 mars 1947, le président Harry Truman présente au Congrès sa politique étrangère. Il souhaite fournir à la Grèce et à la Turquie une aide économique et financière, au total 400 millions de dollars. Les Américains pensent que si l’Union soviétique devenait la puissance tutélaire de la Grèce et de la Turquie, elle pourrait établir, puis conforter son influence sur le Proche et Moyen-Orient.
Le 14 mai 1948 naît l’Etat d’Israël. Des conseillers, nombreux et influents comme George Marshall, le secrétaire d’Etat, ne cessent pas de manifester leurs réticences et auraient préféré, pour ne pas heurter les alliés arabes des Etats-Unis que les Nations unies reçoivent le mandat d’administrer la Palestine. Le Président Truman tranche en faveur du partage de la Palestine, puis de la reconnaissance d’Israël.
Désormais les Etats Unis sont très présents, très présents au Proche-Orient. Ils y jouent un rôle majeur. Ils ne manquent pas de rivaux, voire d’ennemis. En 1953, ils rétablissent le régime du Shah d’Iran, rassemblent en 1955 leurs partisans (Royaume-uni, Irak, Iran, Turquie, Pakistan) dans le pacte de Bagdad ; exigent à leurs alliés, britanniques et français qu’ils mettent un terme à l’expédition de Suez en 1956, soutiennent le roi Hussein de Jordanie puis Camille Chamoun, le président libanais, en 1958.
Durant toutes ces années, les Américains sont persuadés qu’ils remplissent une mission et ouvrent la voie à la modernité, explique l’historien.
Les années 70 et 80 :
La métamorphose pro-israélienne remonte en réalité à 1967. La guerre des Six Jours a mis fin à l’amitié franco-israélienne. Désormais, la France préfère conduire une « politique arabe », explique André Kaspi. Les Etats-Unis prennent alors sa place. Dans le même temps, ils souhaitent maintenir des relations convenables avec le monde arabo-musulman. C’est que, plus encore qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les richesses pétrolières de la région pèsent d’un poids très lourd.
Le samedi 6 octobre 1973, à 13h50, le jour du Grand Pardon (Yom Kippour), les Egyptiens franchissent le canal de Suez et les Syriens pénètrent sur le plateau du Golan. Cette fois-ci, les Américains décident de ne pas rester à l’écart. Ils fournissent une aide militaire aux Israéliens, mettent en alerte leurs forces armées pour que l’Union soviétique ne se précipite pas au secours des Egyptiens, puis obtiennent l’arrêt des combats le 11 novembre. Cette intervention ils en paient le prix, rappelle André Kaspi. Les Etats arabes producteurs de pétrole décident un embargo qui frappe les Etats-Unis et leurs alliés.
Du 5 au 17 septembre 1978, Jimmy Carter réunit, dans sa résidence d’été de Camp David, Menahem Begin, le Premier ministre israélien et Anouar el-Sadate. Les négociations secrètes aboutissent à la signature de deux accords. D’une part, les Israéliens évacueront la péninsule du Sinaï et les Egyptiens signeront un traité de paix avec Israël. C’est un très grand succès pour le Président américain.
Au grand succès fait suite une grande défaite. Le 1er février 1979, l’Ayatollah Khomeyni retourne en Iran. Le 4 novembre, des « étudiants » révolutionnaires prennent en otage 52 diplomates américains, qui ne seront libérés que le 20 janvier 1981.
C’est encore en 1979 que les armées soviétiques envahissent l’Afghanistan pour y implanter une « démocratie » populaire. Les Américains découvrent que si le nationalisme arabe a failli, c’est l’intégrisme musulman qui lui succède. Et que si l’URSS a perdu son influence en Egypte, elle reste un adversaire redoutable aux abords du Pakistan et de l’Inde, en Syrie et en Irak. En un mot, les problèmes du Proche-Orient sont étroitement liés à ceux du Moyen-Orient. De là, selon André Kaspi, l’attitude contradictoire des Américains qui soutiennent l’Irak contre l’Iran dans la guerre. Une dictature laïque leur semble préférable à une république islamique. Directement ou indirectement, ils arment les Talibans, qui combattent les Soviétiques. Suivant le principe que l’ennemi de mon ennemi est mon ami.
Les années 90 :
La guerre du Golfe ouvre une troisième période, marquée par les illusions et les frustrations. En 1991, les Etats-Unis paraissent détenir, rappelle l’historien, tous les atouts. L’Union soviétique implose.
Saddam Hussein tente dans l’été 1990 d’annexer le Koweït, ses puits de pétrole, ses gigantesques revenus. L’opération échoue lamentablement même si Saddam suivit à la défaite. La guerre du Golfe, dans l’esprit des américains, vise à établir un nouvel ordre mondial, à empêcher tout « Etat voyou » de perturber les relations internationales.
L’année suivante, le nouveau Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, engage des négociations secrètes avec Yasser Arafat qui conduisent à l’accord d’Oslo et à la poignée de main, de septembre 1993, devant la Maison Blanche, sous l’œil de Bill Clinton.
La deuxième moitié de la décennie dissipe les illusions. L’assassinat de Yitzhak Rabin porte un coup très dur au processus de paix. Les attentats palestiniens contre Israël reprennent. La deuxième Intifada débute en septembre 2000, alors que Bill Clinton croit encore qu’il pourra pousser Ehoud Barak et Yasser Arafat à signer de nouveaux accords de Camp David.
Et voilà que surgit sur le territoire américain le 11 septembre 2001 un ennemi, mystérieux, terriblement efficace : le terrorisme islamiste qui repose, dit-on, sur la misère et le désespoir. Dans ces circonstances incertaines, les objectifs des Etats-Unis au Moyen-Orient sont, suivant le gouvernement américain, clairement définis. La guerre au terrorisme reste la priorité. Et le concept de guerre préventive devient le socle de la politique américaine dans la région.
Marc Knobel
Observatoire des médias
L’Histoire, février 2003, 5 euros 80 centimes.