« Vous croyiez Dieu mort et enterré, ou du moins définitivement chassé de l’espace public », nous dit l’auteur en préambule. Eh bien vous vous trompiez ! « Dans le fracas des bombes et la lueur des incendies, les processions haineuses et les imprécations de ses porte-parole autoproclamés, vous découvrez, effaré, qu’Il revient en force, et avec quel éclat ». On en vient presque à regretter les temps bénis de la guerre froide et du totalitarisme soviétique !
Il faut, nous explique Barnavi, cesser de considérer les religions comme des touts cohérents. Par ailleurs, toute religion est politique et toute religion révélée est une religion de combat. Quant au fondamentalisme, qualifié de « pente savonneuse », il constitue une lecture particulière de la religion. D ‘ailleurs, « avec des bonheurs divers et des conséquences sociales et politiques diverses, toutes les religions dites du Livre ont connu la tentation fondamentaliste ». Et l’auteur de nous renvoyer aux Karaïtes et aux Nétoreï Karta, pour ce qui est des Juifs et au wahhabisme en islam. Sans oublier les groupuscules millénaristes protestants, les Mennonites et les Amish et les soixante-quinze membres de l’Eglise Homophobe du Kansas.
Pour en revenir aux trois religions monothéistes et aux fondamentalismes qu’elles ont engendrés, ce constat : le fondamentalisme révolutionnaire chrétien est parti battu car le bonheur de l’Occident aura été l’introduction de la laïcité. La chance du fondamentalisme révolutionnaire juif a été l’Etat, sa perte aussi car contrairement à ses deux « concurrents », faute d’une stratégie prosélyte, le judaïsme n’a pas de prétention universelle et ne s’exporte pas. « Est-ce pour autant que le fondamentalisme révolutionnaire juif a dit son dernier mot ? Peut-être pas. Mais il n’a pas d’avenir ». « Surtout parce qu’Israël est une société moderne, ouverte et raisonnablement développée, où le message messianique reste nécessairement confiné à des cercles étroits ». Reste l’islam. Pourquoi le cacher, nous dit Barnavi ? « C’est l’islam qui provoque la réflexion et les débats actuels sur la religion…C’est l’islam qui fait peur ». On en conviendra aisément, l’islamisme est aujourd’hui la forme la plus nocive du fondamentalisme révolutionnaire. La question n’est pas d’ailleurs de se demander ce que dit le Coran dans lequel on trouvera sans peine des sourates terrifiantes et, au demeurant inacceptables. Non, la question est de se demander ce qu’on choisit de lire dans le Coran.
En terre d’islam, d’Atatürk à Bourguiba ou Ben Ali, les réformateurs ont été le plus loin possible. Il faut se rendre à l’évidence : « On ne brûle jamais impunément les étapes historiques ». Et l’islam est encore loin d’avoir entrouvert les portes de la modernité, de la science et de l’ouverture au monde extérieur. Ainsi, l’ensemble du monde arabo-musulman a traduit en dix siècles moins d’ouvrages étrangers que l’Espagne n’en traduit de nos jours en une seule année ! ». Jadis bâtisseur d’empires et inventeur de civilisation, le monde islamique réalise qu’il n’est plus grand chose alors que les anciens dhimmis lui tiennent la dragée haute et la richesse que Dieu a enfouie sous ses pieds ne profite qu’aux autres…Pourquoi cet échec ? La réponse simpliste qui ouvre la voie à l’intégrisme : parce que nous avons été infidèles à notre glorieux passé.
« L’islamisme et son excroissance révolutionnaires se sont développés sur ce terreau de la mémoire et de l’échec ». Cette phrase remarquable est une brillante synthèse de l’ensemble de la problématique.
Une chose est sûre : « Le combat contre le fondamentalisme révolutionnaire musulman est la grande affaire du XXIème siècle ». Voilà, c’est dit et c’est clair.
Alors, comment s’en sortir ? Avec des trémolos et comme en guise de testament, Elie Barnavi s’adresse aux générations actuelles : « Il y a la civilisation et il y a la barbarie, et entre les deux il n’y a point de dialogue possible. Il vous faudra réapprendre à faire la guerre. Il vous faudra vous armer de patience et de conviction, et tracer bravement la ligne de défense en deçà de laquelle vous ne pourrez ni ne voudrez reculer…il y va de la sauvegarde de vos valeurs, de vos libertés, de votre mode de vie. Bref, de l’avenir de vos enfants. Adieu ».
Remarquable.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Flammarion. Mars 2008. 176 pages. 6 euros