À Slawkow, avant le malheur, malgré un antisémitisme sournois, les Juifs vivaient un bonheur simple quotidien, rythmé par le cycle immuable du chabbat et des fêtes du calendrier hébraïque. Nahmen Testyler, qui tient une épicerie et son épouse Bina, originaire de Dombrowa, ont quatre enfants, Leibu, Yosselé, Charles Szlamek et Faïguélé. Charles a 12 ans en 1939. Arlette, elle, a six ans et demi à la même époque. Son père, Abraham Reiman , Polonais de naissance et Français de cœur, n’a pas hésité, en 1939, à s’engager dans l’armée française. Avec son épouse, Malka, originaire comme lui du petit village polonais de Motszy Wielki, ils ont deux filles, Arlette et Madeleine, son aînée, et vivent à Paris.
Tour à tour, Charles et Arlette nous font le récit de leur enfance et de leur adolescence.
Pour Szlamek, l’arrivée des SS allemands dans sa ville, la furie antisémite des hordes déchaînées, l’instauration d’un ghetto, la déportation au camp de Blechhammer, sous-camp annexe d’Auschwitz, le camp de travail de Brandhofen en Basse-Silésie, Brunnitz-Zwittau dans les Sudètes en Tchécoslovaquie, le « château » de Langenbielau, annexe de Gross-Rosen, l’ancienne briqueterie de Gorlitz, le moulin de Faulbrück, le camp de Reichenbach, le retour, enfin, à Sosnowiec et à Slawkow, les pérégrinations en Allemagne, à Francfort-sur-Oder en zone russe, à Lampertheim en zone américaine, Marseille et les projets d’alyah en Palestine et Paris, enfin.
Pour Arlette, après la vie insouciante près du square du Temple, les salles de théâtre et le cinéma et un bel été de vacances à Pontaillac, près de Royan, ce sera aussi une succession de drames. Son père est mobilisé à Barcarès. Attente et inquiétude de sa mère. Première manifestation d’antisémitisme à l’école en 1940. Le régime de Vichy et l’instauration d’un statut des Juifs. Le port infamant de l’étoile jaune. Abraham Reiman interné à Pithiviers. Brusquement, les choses se précipitent. Arlette, sa sœur et sa maman sont internées au Vél’ d’Hiv. Puis c’est Beaune-la-Rolande avant le retour à Paris en août 1942, Vendôme en Touraine. Et le retour à Paris en 1945.
Nahmen, Bina et Faïguélé Testyler comme Abraham Reiman sont morts à Auschwitz. De nombreuses photographies illustrent ce livre plein de tendresse et, malgré tout, d’espoir.
Jean-Pierre Allali
(*) Témoignages recueillis et rédigés par François Fouquet. Éditions Delattre. Décembre 2010. 256 pages. 19 euros. Préfaces de Richard Prasquier, Raphaël Esrail, Tatiana de Rosnay et Marie-Paule Hervieu.
(1) Voir la Newsletter du CRIF en date du 24-01-2011.
Photo : D.R.