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Publié le 28 Novembre 2005

Les familles Milewski et Ryfman dans la tourmente de la guerre, de Françoise Milewski

Françoise Milewski a reçu le prix mémoire de la Shoah 2005 (1) pour l’ouvrage qu’elle consacre à sa famille, en quatre cahiers : « Itinéraires », « Documents », « Album photo », « Epilogue – Varsovie. » Pour expliciter sa démarche intellectuelle, l’auteur raconte que ses objectifs se sont transformés au fur et à mesure.



Il s’agissait d’abord de savoir ce qu’il était advenu des communautés juives dans leur ensemble, en Pologne. Puis, en allant en Pologne, elle comprit qu’il y avait des ghettos dans les Shtetleh où habitait sa famille. Elle a donc cherché à reconstituer l’histoire de la déportation de ces ghettos, à défaut de rendre compte de destins individuels. Il s’agissait alors de parler ce qu’il était advenu d’une masse arrêtée, dénoncée, déportée, liquidée.

Puis, il fallut nommer les membres des familles Milewski et Ryfman et leur donner une existence par leurs noms. Au fur et à mesure, d’autres aspects sont intervenus : témoigner encore et toujours de la vie de l’époque d’avant-guerre. Trouver des photos sur ces Shtetleh et surtout les gens. Reconstruire des parcelles de vie, comme si rien de tout cela n’était arrivé, balayer le vide, l’absence, l’énorme et douloureux vide, pour que les morts vivent par les images.

C’est en cela que ces cahiers sont bouleversants. C’est en cela que j’ai particulièrement aimé regarder l’album de photos. Ces instantanés, ces fractions de seconde et de totales insouciances, comme si le lendemain n’existait pas. Comme si rien ne pouvait leur arriver. Comme si, au fond, le temps s’était figé à un moment donné au-delà de l’horreur, de la mort et/ou de notre quête désespérée. À nous enfants et petits enfants, de redonner formes et traits, vie et souffle, à des morts qui n’ont même pas de tombes.

Dans l’épilogue enfin, de dernières photos : des bâtiments, les traces d’une maison sur la façade d’un immeuble, l’intérieur d’une cour, des balcons, des lieux autrefois plein de vie. Et puis, comme une claque, comme une claque de fin, comme une claque de fin d’histoire, d’une seule et même histoire, les photos du cimetière Juif de Varsovie.

Ainsi donc, ils y avaient des Juifs en Pologne ?

Marc Knobel

Note :

1. Ce prix de la Fondation Jacob Buchman a été créé en 1988 pour récompenser un écrivain, un artiste, un sculpteur, un historien ou un enseignant pour une recherche ou une thèse portant sur le génocide du peuple Juif. Ce prix est décerné sans distinction religieuse ou nationale, mais dans la fidélité à la vocation humaniste du peuple Juif.