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Publié le 10 Mai 2010

Les intellectuels français et Israël - ouvrage collectif sous la direction de Denis Charbit (*)

Force est de le constater chaque jour et tout au long des mois et des années, Israël, terre de la reconnaissance d’une langue qu’on croyait à jamais défunte et disparue, l’hébreu, Israël, pays de la renaissance culturelle et cultuelle du peuple juif, Israël enfin, lieu de la réalisation de l’utopie la plus extraordinaire que l’Homme ait vu se réaliser, à savoir le retour, plusieurs milliers d’années après son exil d’un peuple sur les lieux mêmes de son ancienne souveraineté, bref, Israël, État juif, État sioniste, n’en finit pas de faire débat au sein de l’intelligentsia française. Le conflit israélo-arabe en général et israélo-palestinien en particulier, le drame des Palestiniens, victimes, pour l’essentiel, de leur refus initial du plan de partage décrété par les Nations unis, tous ces événements sont passé par là.




Ce sujet, très intéressant et combien actuel de la position des intellectuels français face à la réalité israélienne et à son avenir a fait l’objet de deux colloques qui se sont tenus à l’université de Tel-Aviv. Le premier, intitulé « Judaïsme et francophonie » a eu lieu les 20 et 21 mars 2007. Un an plus tard, les 18 et 19 mai 2008, le second avait pour thème « Les intellectuels français et Israël : entre admiration et réprobation ». Ce sont les actes de ces deux colloques qui sont publiés dans l’ouvrage dirigé par Denis Charbit.



Quatre parties d’inégale importance en volume composent ce remarquable ensemble : Tout d’abord, un retour en arrière : « Avant Israël », traité par Antoine Compagnon et Pierre Birnbaum. Comme le fait remarquer Compagnon, bien que cela puisse apparaître comme une évidence, « les intellectuels français n’ont pas découvert Israël en 1948 ». Le projet sioniste se retrouve sous la plume de Marcel Proust, d’Anatole Leroy-Beaulieu, chez Barrès et chez Benda comme chez Céline. Birnbaum met l’accent, lui, sur « L’impossible passage du franco-judaïsme au sionisme » et nous montre comment, les Israélites français, un temps réticents, ont, peu à peu ,été acquis au sionisme. La deuxième partie est intitulée « Portraits de groupe ». Tandis que Nicolas Weil présente des « Figures de Juifs français au tournant des années 1920-1930 » : Irène Némirowsky et son David Golder, Albert Cohen et André Spire, Monique Jutrin traite des poètes juifs de langue française. Pour Anny Dayan Rosenman, les écrivains juifs de langue française sont à l’origine d’une écriture fortement liée à l’histoire. Dans la troisième partie, la plus étoffée, « Figures », David Lazar nous parle de « Louis Massignon, le sionisme et l’État d’Israël, Philippe Zard de la position d’Albert Cohen, Gary D. Mole de celle de Maurice Blanchot, Gil Mihaely des relations de François Furet avec le sionisme, Denis Charbit de l’itinéraire pour le moins original d’Annie Kriegel, passée du communisme le plus pur au sionisme le plus exigeant, Éric Marty évoque la vision d’Alain Badiou et Régine Mihal-Friedman nous parle de Chris Marker. Dans ce panorama quasi exhaustif, on ne pouvait oublier les médias. C’est l’objet de la quatrième partie où François Lafon revient sur une polémique entre Marc Jarblum et Jean-Marie Domenach ( Revue Esprit, 1967) , Samuel Ghiles-Meilhac traite des positions ambiguës du Monde Diplomatique et Jérôme Bourdon de la télévision. Cinquième partie, enfin, véritable cerise sur le gâteau : deux envois, l’un d’Ilan Greilsammer sur « La Paix maintenant » et ses amis, l’autre d’Alain Finkielkraut, intitulé sobrement et significativement, « Le souci d’Israël ».



Une somme. Un livre qui se doit de figurer dans toutes les bibliothèques.




Jean-Pierre Allali



(*) Éditions de l’Éclat. Novembre 2009. Présentation de Denis Charbit et Nadine Kuperty-Tsur. Contributions de Pierre Birnbaum, Jérôme Bourdon, Denis Charbit, Antoine Compagnon, Anny Dayan Rosenman, Alain Finkielkraut, Régine-Mihal Friedman, Samuel Ghiles-Meilhac, Ilan Greilsammer, Monique Jutrin, François Lafon, David Lazar, Éric Marty, Gil Mihaely, Gary D. Mole, Nicolas Weill, Philippe Zard. Publié sous les auspices de la Fondation du Judaïsme Français avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. 254 pages. 22 euros.