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Publié le 15 Juin 2010

Lunes d’automne, par Haïm Sabato (*)

C’est un roman véritablement inhabituel que nous propose Haïm Sabato : la Guerre du Kippour vue des tourelles des chars par de jeunes combattants, souvent issus de milieux religieux.



L’habitude, en Israël, nous raconte l’auteur, est de consacrer la lune à l’issue de la solennité. Ainsi font, dès lors et selon la coutume, les Hassidim d’Amshinov dans le quartier de Bayit Vagan à Jérusalem. À l’issue donc, de Yom Kippour, très tard, vers minuit, bien après la sonnerie du shofar qui conclut la prière de la néila, les Hassidim se lancent dans une danse effrénée afin de bénir la lune dans la joie. Le décor est planté. Deux jeunes soldats, sac léger sur l’épaule, le narrateur, Haïm, natif d’Égypte et son meilleur ami, Dov, originaire de Roumanie, deux anciens étudiants du lycée toranique et de la yeshivat hesder, deux amis inséparables appartenant au même équipage d’un tank, l’un comme chargeur, l’autre comme tireur, vont être brusquement livrés aux hasard de la guerre qui se déclare brutalement et séparés. Désormais Haïm est en territoire syrien, sur le plateau du Golan. Malgré la discipline qui règne habituellement au sein de Tsahal, c’est un peu désorganisé. Où aller, où suis-je affecté, quel moyen de transport utiliser pour parvenir au point de ralliement convenu ? « Il faut avoir été tankiste pour savoir ce qu’éprouve le cœur d’un membre d’équipage resté seul, errant solitaire dans un bataillon, un casque à la main, sans son char ni ses compagnons ».
Mais à la guerre comme à la guerre. D’autres soldats, d’autres compagnons de lutte, d’autres frères d’armes, chacun avec son caractère, des croyants et des athées, des chevelus et des glabres, des petits et des grands, des gros et des athlétiques, tout un peuple au sein de son armée, Tsahal. Haïm Sabato nous dresse des portraits truculents et émouvants de ces soldats : Hanan et Momo, Keslassy, Dédé et l’adjudant Naïmi, Zaga, Guidi, Moti et Amihaï, Danon et Rami et tous les autres. Sans oublier les valeureux de la brigade d’élite Golani.
Parfois, lors d’une permission, c’est le retour au bercail. Fatigue, émotion, embrassades pour un court répit. Autant de gagné sur la guerre.
Des prières et des piyyoutim, des réflexions théologiques aussi, parsèment ce texte fort sur la guerre au quotidien et sur l’amour, amour du pays, amour de la famille, amour de son peuple.
Les moments difficiles où les combats s’intensifient, où il faut fuir d’un char en feu pour ne pas mourir, où l’ennemi vous cerne de tous les côtés sont d’un réalisme saisissant. On tremble rétroactivement pour ces jeunes qui ont défendu avec becs et ongles, cœur et tripes, leur terre. Et pour Haïm, tout au long du récit, une interrogation lancinante : qu’est devenu Dov ? Est-il vraiment tombé comme certains le prétendent ?
Une écriture originale donc. On regrettera peut-être quelques longueurs et l’impression que l’auteur aurait pu faire l’économie d’un certain nombre de chapitres. Néanmoins nous avons là un ouvrage intéressant et pionnier en la matière.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions Toby. Israël. 2009. Traduit de l’hébreu par Tsvia Frank-Wygoda. 194 pages. 15 euros.