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Publié le 25 Avril 2006

Meurtres en direct De Batya Gour

La scène du crime se passe dans les locaux de la première chaîne de télévision publique israélienne. Alors que Beny Meyouhas est en plein tournage de son adaptation de Ido et Eïnam, la nouvelle de Samuel Joseph Agnon, la décoratrice en chef de la chaîne – qui est aussi sa femme –, Tirtsah Rubin, est sauvagement assassinée. Crime passionnel ou vengeance ?


Ce crime est le premier de toute une série qui va bouleverser le quotidien et l’organisation de la chaîne. Dans « Meurtres en direct », l’intrigue tient jusqu’au bout et ramène le lecteur à une histoire vieille de 1973 en pleine guerre de Kippour, qui révèle un très lourd secret pouvant déstabiliser la politique et l’histoire du pays. Pour mener l’enquête, l’auteur fait appel à son personnage fétiche, le fameux commissaire Michaël Ohayon.
L’écrivain israélien, Batya Gour, est décédée en mai 2005 avant la publication de son dernier ouvrage. Elle a choisi comme toile de fond une chaîne de TV, véritable porte-parole de la société israélienne. L’auteur dévoile les problèmes sociaux, religieux, politiques et identitaires des Israéliens. Plusieurs histoires parallèles s’ajoutent à l’enquête. C’est ainsi, que le lecteur est plongé dans l’affaire des ouvriers non payés qui prennent en otage la ministre du Travail et des Affaires sociales, mais aussi dans l’étrange histoire d’un des Grands rabbins orthodoxes, habillé en Pope, trimballant une mallette pleine d’argent et d’or.
Fidèle à ses habitudes, Batya Gour montre le contraste de la société israélienne d’aujourd’hui. Dans ce dernier ouvrage, elle s’interroge sur les mythes fondateurs du pays et notamment sur la définition même du sionisme comme Etat juif. Pour les sionistes idéalistes, on ressent un certain malaise face à cette dure réalité et cette terrible interrogation : « Est-ce vraiment important de vivre dans un pays juif ? »
« Meurtres en direct », au-delà de l’histoire policière passionnante, pousse le lecteur à s’interroger sur ses idéaux et sur cette conscience morale qui dicte nos actes. Choix politiques, cas de conscience, éthique, l’auteur ne nous épargne rien.
Stéphanie Lebaz
Batya Gour, « Meurtres en direct », Gallimard, Paris, 2006, 425 p., 22 €