Suzanne Leo-Pollak est née à Lyon en 1942. Après une carrière d'enseignante en Autriche et en Europe, elle est revenue en France où elle vit la moitié de son temps. Elle a publié en 1995 une première version de l'ouvrage aujourd'hui présenté au public francophone, édition actualisée et augmentée d'un appareil de note et d'une riche iconographie. Pour le public allemand elle vient de publier un livre sur la Bourgogne.
Extrait de la préface: « J'avais quatorze ans lorsque j'appris que nous étions juifs et que « pendant la guerre des Juifs avaient été persécutés et tués - uniquement parce qu'ils étaient juifs », avait ajouté mon père d'une voix blanche lors d'une promenade en montagne. En décembre 1945, âgée de trois ans, j'étais arrivée de France en Autriche, la patrie de mon père, et j'y avais connu onze années d'une vie en apparence normale et insouciante, brutalement réduites à néant par ces quelques mots.
Toutes les énigmes, les cachotteries, les non-dits, les ordres et les interdictions inexpliqués, les crises de panique de nos parents, se cristallisèrent dans mon esprit d'adolescente en une vérité jusqu'alors inconcevable. » Ce livre offre un témoignage nourri des souvenirs et de la correspondance des familles Pollak et Leo.
Il permet de suivre l'itinéraire d'un couple d'intellectuels juifs dans les années 1930 et 1940. La montée de l'antisémitisme en Allemagne et en Autriche, l'Anschluss, l'exil en France, l'internement en tant que ressortissant d'une puissance ennemie en septembre 1939, puis en mai 1940, les camps du Sud de la France (Saint-Cyprien et Gurs), puis la clandestinité, la résistance et enfin le retour en Autriche en 1945 sont racontés de manière vivante, émouvante, et passionnante.
Un des aspects qui est le plus original, est le récit de l'engagement dans la Résistance au sein d'un bataillon du père de Susanne Pollak. La participation d'antifascistes étrangers à la Résistance est en effet une question historiographique très étudiée, mais la bibliographie concernant les Autrichiens se limite aux actes, devenus introuvables, d'un colloque organisé par Félix Kreissler (Les Autrichiens dans la Résistance, Presses de l'Université de Rouen et du Havre, 1986) et aux mémoires d'un homme (Gerhard Léo, Un Allemand dans la Résistance, le train pour Toulouse, Ed. Tirésias, 1997). Ce livre vient donc en partie combler cette lacune.
Ce livre est un document intéressant non seulement sur la Seconde Guerre mondiale, mais aussi sur la perception de cette période dans la France de la fin des années 1980, c'est-à-dire juste après le procès Barbie mais avant ceux de Touvier et de Papon. Le livre est en effet construit sous la forme d'une enquête que l'auteure mène en France pour comprendre pourquoi elle y est née en 1942, ce que ses parents ne lui ont jamais expliqué. Le récit offre un regard passionnant sur la manière dont ses interlocuteurs décrivent la période de l'Occupation, dévoilant la réalité de l'internement massif des étrangers que la très grande majorité de la population française ignorait alors. Un chapitre évoque l'abbé Glasberg et les amitiés judéo-chrétiennes à Lyon, l'aide aux persécutés, la création maison de refuge dans le Rhône fin 1941. Un important fond documentaire et iconographique ainsi qu'un appareil critique, un index des personnes, Les maisons de refuge de l'OSE sont évoquées avec Vic-sur-Cère et la pouponnière de Limoges où l'auteure et sa mère ont séjourné entre 1942 et 1943.
«Nous étions indésirables en France, une enquête familiale», par Suzanne Pollack. Editions traces & empreintes, coll. Rappel, 2009. Disponible à la librairie du Temple, au MAHJ et au Mémorial de la Shoah à Paris, ou chez l’éditeur, par courriel à l’adresse contact@dorot.fr
Photo : D.R.