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Publié le 27 Octobre 2008

Pour un geste de femme Par Joseph Farnel (*)

On n’est décidément pas assuré, même quand on est un riche baron, de vivre une existence paisible. Surtout si on est juif et russe en 1917. C’est ce que devait se dire Schmuel Finckenstein, le héros du nouveau roman de Joseph Farnel, alors que transi de froid, épuisé, affamé, il abordait les faubourgs de Moscou, dévastée par le typhus.


« Il n’avait pas encore fêté ses vingt ans, qui auraient couronné une enfance et une adolescence heureuses ». Héritier d’une lignée qui remontait à un Grand rabbin lequel, pendant quatre mois avait eu l’insigne honneur de recevoir et d’héberger l’empereur Napoléon dans son château, il était officiellement, depuis plusieurs générations, baron d’Empire. La famille possédait de riches terres à blé et d’immenses forêts de rapport.
La Révolution, hélas, allait mettre un terme à ce bonheur et à cette prospérité. A Finckenstein, les moujiks, cupides, s’étaient jetés sans vergogne sur le château, dévastant, pillant et assassinant. Schmuel avait vu ses parents mourir sous yeux et ne dut son salut qu’à la chance. A cheval puis à pied, quelques vêtements et quelques roubles sur lui, il traîna un mois avant de rejoindre Moscou.
Lorsque Schmuel, exténué, se retrouve miraculeusement dans un hospice, le premier objet qu’il aperçoit est un crucifix et le regard miséricordieux d’une religieuse, Natalia. Et, surtout, un geste de femme, ce geste qui le marquera toute sa vie, le même que sa propre mère faisait pour remettre de l’ordre dans ses cheveux en replaçant sous sa coiffe une mèche indocile.
Un geste qu’il retrouvera, plus tard, chez Mirka, une jeune infirmière dont il deviendra l’amant.
Rétabli, il cherche à rendre service à son tour. Vêtu d’une blouse blanche, le voilà transformé en « jeune docteur ». Par prudence, la mère supérieure le persuade de changer de nom et d’apprendre les prières et les manières chrétiennes. Shmuel Finckenstein est désormais Youri Rika. Sa rencontre avec un blessé parlant yiddish va bouleverser le cours de sa vie. Originaire de Smolensk, Fiszel Pallasz, qui a fait fortune dans le commerce des fourrures, père de deux garçons et surtout d’une fille, la belle brune aux yeux noirs, Rivkha, lui confie avoir caché quelque part des sommes importantes.
Rivkha ! Rivkhélé ! Elle aussi, quand il fera sa connaissance, aura ce geste de femme qu’il aime tant. Rivkha, qui vit désormais à Paris, dans le quartier juif du Pletzl et avec laquelle il échangera une correspondance amoureuse. Nous sommes en 1919 et il lui avoue sa passion : « Je viens, je vole vers toi ». Le voyage, aux rebondissements multiples, durera deux ans.
« Le mariage civil de Rivkha et Schmuel fut célébré le jeudi 21 juillet à la mairie du quatrième arrondissement. Le mariage religieux, le dimanche suivant ». Et, à la synagogue, « lorsque l’officiant lui présenta la coupe de vin, qu’il y trempa ses lèvres et qu’il la passa à sa femme, Rivkha, soulevant son voile pour boire à son tour, enfouit sous sa coiffe une mèche rebelle de ce geste qui l’émouvait tant ».
A Paris, Schmuel, contre toute attente, se lance avec succès dans une carrière d’écrivain. Rivkha lui donnera deux beaux enfants, Josué et Hanna. « Les enfants grandissaient, les affaires allaient plutôt bien ». Le bonheur, enfin ? C’était, hélas sans compter sur la folie meurtrière d’Adolf Hitler et du nazisme qui va bouleverser encore une fois la vie des Finckenstein.
Comme tous les romans de Farnel, depuis les aventures pittoresques et émouvantes du petit Joseph, ce roman palpitant et agréablement écrit se lit d’une traite. On en redemande.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Lucien Souny. Mars 2008. 336 pages. 19 euros.
(1) La ballade du petit Joseph. Editions Cheminements. 2007. Voir notre recension du 17-06-08.