Qui nierait, certes, qu’il existe, parmi les habitants des Territoires, des extrémistes, des fanatiques, des illuminés ? Qui peut soutenir les propos d’un Meïr Kahana, la fureur meurtrière d’un Igal Amir ou l’acte démentiel d’un Baroukh Goldstein ? La critique incessante des auteurs va bien au-delà. D’Ofra, la « cité idéale » à Gaza, en passant par Hébron, un seul son de cloche. Ils nous montrent, exemples à l’appui, comment, depuis 1967, avec la conquête de la Cisjordanie et de la bande de Gaza lors de la Guerre des Six Jours, une idée a dominé : mettre en marche « la machine à coloniser ». Car les « colons » finissent toujours par obtenir gain de cause, quel que soit le gouvernement en place. Avec constance et obstination, ils appliquent leur « méthode pour déplacer la ligne verte ». À maintes reprises, l’organisation B’Tselem est prise à témoin.
Des personnages étonnants, truculents même, nous sont décrits par le menu : Hanan Porat, le « premier colon », conquérant de Kfar Etzion, Zeev Hever dit Zambish, dirigeant d’Amana, organisme chargé de la construction dans les Territoires, Ofir Benhamou, gérant exotique d’un snack-bar du Goush Katif ou encore Benny Kashriel , maire de Maale Adoumim. Mais les figures les plus terrifiantes sont les « Jeunes des Collines », sortes de hippies illuminés version messianistes : « allongés dans l’herbe, ils chantent Dieu et le Messie. Parfois, ils écoutent Bob Marley ou de la techno. Certains fument de la marijuana, d’autres adorent siroter de l’alcool d’anis en pleine journée… ». Parmi eux, Elkana Picard. Son idéal : « que tous les Juifs reviennent à la religion, qu’il n’y ait plus d’Arabes ici, que la royauté soit rétablie et qu’on construise le Temple ». Pour cela, « il faut faire la guerre aux Arabes pour les expulser ». Et il ne s’agit pas d’un cas isolé car, précisent les auteurs, « L’histoire d’Elkana est semblable à celle de dizaines et de dizaines d’autres jeunes comme lui qui ont pris le chemin des collines. L’histoire d’un adolescent révolté, et en échec scolaire ».
Les motivations des Israéliens qui se sont installés, au fil des ans, dans les Territoires, sont multiples : idéologiques, religieuses, économiques ou de confort. Le chapitre sur Gaza est, bien entendu, obsolète. Les jolies villas aux tuiles rouges dont se gaussent les auteurs à longueur de pages ne sont plus aujourd’hui qu’un tas de ruines. Les synagogues ont été pillées, profanées et incendiées. Par milliers, les anciens habitants du Goush Katif se retrouvent, désœuvrés et désespérés dans des hôtels, des écoles ou des bâtiments administratifs. Les « colons », c’est aussi cela. Un drame humain qu’il faudra un jour étudier aussi. Pour l’heure, il ne fait aucun doute que ce livre séduira plus particulièrement les détracteurs d’Israël et du sionisme.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Flammarion. Août 2005. 384 pages. 22€