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Publié le 18 Janvier 2006

Réflexions théologiques après la Shoah. « Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek… » Par Patrick Petit-Ohayon (*)

Quel discours tenir sur la Shoah, quelle position adopter d’un point de vue religieux, quand on est un Juif croyant et observant ? Car la question terrible « Où donc était Dieu pendant qu’on assassinait six millions d’innocents » ne peut pas être éludée. Dans un petit ouvrage bien documenté, Patrick Petit-Ohayon fait le point sur ce thème aussi délicat que difficile.


Les interprétations sont multiples. On peut y voir l’exemple de la mise à l’épreuve dont l’archétype est la akéda, la ligature d’Isaac. Autre modèle, le concept très répandu, en milieu orthodoxe, d’ « Ester Panim », « La face cachée ». En clair, « le fait que toute protection divine soit retirée au peuple juif est le résultat de l’attitude d’abandon de Dieu par les hommes ». Un concept, qui, très légitimement, en révolte plus d’un, d’où l’émergence de penseurs qui, à l’instar d’André Neher, optent pour le « modèle de Job ». L’alliance entre Dieu et l’Homme est perçue comme un partenariat en vue de l’avancement messianique de l’Histoire. Or, dit Neher, « il y a des choses, dans cet avancement, qui ne peuvent être faites que par Dieu. D’autres, qui ne peuvent être réalisées que par l’Homme. La plupart, enfin, exigent la coopération de Dieu et de l’Homme. Lorsque l’un des deux coopérants abdique, il faut que l’autre prenne sur lui le double poids de la tâche ».
Hélas, dans la tragédie de la Shoah, l’Homme, livré à lui-même, bénéficiant d’une extrême liberté, n’a pas été capable de gérer tout seul la marche du monde et a engendré le Mal nazi dévastateur. Ce n’est pas un pari raté mais plutôt un double échec. Celui de Dieu et celui de l’Homme. Dieu n’aurait pas dû donner autant de libre arbitre à l’Homme et ce dernier n’a pas su mettre à profit cette entière liberté qui lui a été octroyée pour vaincre le Mal. Mais l’Histoire n’a pas pris fin pour autant. Elle rebondit avec de nouvelles espérances. La renaissance, notamment, après la catastrophe, d’un État juif, Israël, en porte témoignage.
Des extraits choisis de textes fondamentaux de Martin Buber, Emil Fackenheim, André Neher, Irvin Grinberg, Léon Ashkénazi et d’autres penseurs du judaïsme ainsi qu’une bibliographie sélective, complètent cet opuscule pédagogique qui sera très utile notamment aux écoliers et aux étudiants.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Biblieurope-Fsju. Novembre 2005. 112 pages. 6,90€