Samuel Frey est né à Paris en 1937, de parents juifs polonais. Son enfance fut dramatiquement troublée par la guerre et les persécutions allemandes. Orphelin très jeune, il fut élevé par sa grand-mère et une tante. A dix-sept ans, il s’inscrit au cours Simon et commence à faire de la figuration. A la fin de sa 3ème année de cours, il sort premier de sa promotion. Il devient assistant-régisseur puis obtient des petits rôles à l’écran. Lorsque Clouzot l’engage pour La Vérité qui le révèle au public (Oscar du meilleur film étranger), il a déjà une très longue carrière théâtrale derrière lui. Sa filmographie alterne les films d’Agnès Varda et Jean-Luc Godard avec ceux de William Klein ou les comédies italiennes. Les années 60 sont une période faste pour le comédien, qui tourne sous la direction des grands noms de l’époque (Franju, Deville, Vadim) sans délaisser sa passion pour la scène. En 1972, il fait une rentrée remarquée avec César et Rosalie de Claude Sautet. C’est au théâtre qu’il trouve sa véritable dimension de Carlos Fuentes à Harold Pinter, Henry James, Peter Handke, en passant par Georges Perec, dont il met en scène et interprète à vélo et avec succès Je me souviens. Il a contribué à la révélation en France du théâtre anglais contemporain, Pinter en tête. En 1993, il incarne le poète Antonin Artaud dans En compagnie d’Antonin Artaud de Gérard Mordillat (Meilleure interprétation masculine, 1993 au Festival International du Film Francophone).
Né à Dublin en 1906, dans une famille protestante de la classe moyenne, Samuel Beckett a passé une enfance heureuse qui ne préfigure en rien les paysages désolés et la parole malheureuse des clochards qui habitent ses textes. Son oeuvre s’est attachée pourtant à témoigner de la tragi-comédie d’être au monde. Réputés pessimistes, voire sinistres, ses textes ont provoqué le rire chez plus d’un lecteur et d’un spectateur. Ses romans et pièces regorgent de jeux de langage, calembours, constructions syntaxiques acrobatiques, curiosités lexicographiques. L’auteur est en fait un maître de l’humour même si celui-ci est parfois figure du désespoir. Son talent lui permet de s’illustrer tant dans la poésie que dans le roman, aussi bien au théâtre qu’à la radio, à la télévision, au cinéma, voire dans l’essai critique. Dépassant sans cesse les frontières, l’oeuvre de Beckett est aussi marquée par le changement continuel de langue (anglais, français, allemand). Le théâtre de Samuel Beckett rompt avec le théâtre traditionnel qui met au coeur de la représentation l’action, le conflit psychologique, menés jusqu’au dénouement. Ses personnages sont le contraire du héros tragique. En fait, Beckett retrouve au théâtre les composantes de son propre univers : l’homme est forcé d’être là, d’attendre et de parler, et le rire permet de faire passer l’angoisse. Avec ses voix multiples, le théâtre lui permet de faire éclater son humour. Le dialogue, mélange de trivialités, de jeux de mots, de fausse-vraie logique, de citations philosophiques, de commentaires désabusés sur la situation est tout à la fois désespérant et hilarant.
Premier Amour, de Samuel Beckett, mise en scène et jeu de Sami Frey, au Théâtre de la Croix Rousse, Place Joannès-Ambre 69317 Lyon cedex 04, depuis le 1er et jusqu’au 9 octobre 2010. Tel : 04 72 07 49 49. www.croix-rousse.com
Photo : D.R.