Née en 1949 à Brooklyn, au sein d’une famille juive orthodoxe, Naomi Ragen s’est installée avec son mari, en 1971, à Jérusalem. Très vite, elle s’implique dans les problèmes sociétaux rencontrés par les familles juives rigoristes. Si son premier roman, Jephte’s daughter, connaît un certain succès, c’est avec son second ouvrage, Sotah, en 1992, qu’elle va obtenir la reconnaissance du public et une forme incontestable de gloire. Depuis, elle a produit plusieurs autres livres à succès ainsi qu’une pièce de théâtre. Pour la première fois, l’une de ses œuvres, Sotah, donc, est traduite en français par Véronique Perl-Moraitis. Et c’est un vrai bonheur de découvrir à la fois un auteur talentueux et un roman superbe.
Sotah, qui, dans le Talmud, est le nom d’un traité entier consacré aux femmes soupçonnées d’adultère et à l’infidélité conjugale, devient, sous la plume de Naomi Ragen, la saga, basée sur une histoire vraie, d’une famille juive ultra-orthodoxe de Jérusalem , des Haredim Misnagdim, les Reich. Le père, Rabbi Alter Reich, étudie à longueur de journée. Sa femme, la rebbetzin Faigie, une force de la nature, est chargée de gagner la pitance du ménage et gère le foyer. Un foyer où vivent des filles qu’il faudra un jour, be ezrat Hachem, marier le plus vite possible. Ainsi en sera-t-il de Dvora qui épousera un homme bon, mais peu attirant. Une destinée qui devrait, logiquement et implacablement, être aussi celle de Haya Léa et, surtout, de Dina, la cadette, héroïne du roman.
À 17 ans, Dina accepte de se marier avec un géant pataud, Judah Gutman, menuisier de son état. Mais, très vite, son voisin, religieux mais peu scrupuleux, sorte de Don Juan à shtreimel, véritable dragueur professionnel, Noah Saltzman, va l’entraîner dans une folle équipée. Dans le quartier, la Brigade des Mœurs veille. Des bruits courent, des menaces à peine voilées sont proférées. La vie de Dina bascule. Obligée de quitter les siens, elle échoue à New York où elle est engagée comme aide-ménagère dans une famille juive assimilée et moderne. Pour Dina, c’est le choc des civilisations et des cultures. Elle découvre avec stupeur qu’on peut être juif…autrement.
Une écriture superbe, un récit haletant, un happy end sympathique. On en redemande.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Yodéa. Juin 2009. 518 pages. 21 euros
(1) Voir nos recensions du 06-11-2008 et du 01-10-2009