On pense également à Aimé Pallière, Lyonnais catholique, très tôt destiné à la prêtrise et qui, lui aussi un jour de Kippour, est littéralement subjugué par ce qu’il découvre dans la synagogue de sa ville, cherche à se convertir et finit par suivre les conseils du Grand rabbin italien Élie Bénamozegh, qui lui explique qu’on peut, sans se convertir, être simplement un « noachide ».
C’est une destinée tout à fait semblable à celle du grand maître allemand et du « guer tochav » lyonnais qu’a connue Michaël de Saint-Chéron. Né en 1955, à Paris, il est le fils d’une juive bruxelloise et d’un aristocrate catholique champenois, Jean de Saint-Cheron. En premières noces, sa mère, Françoise, nièce d’André Baur qui présida l’U.G.I.F. aux heures sombres de l’Occupation et qui fut assassiné avec sa famille à Auschwitz, avait épousé un industriel juif, Claude Amson dont elle aura deux enfants. Et c’est ce même Claude Amson, qui, ironie de l’Histoire, portera, en tant que parrain, le petit Michaël sur les fonts baptismaux de la chrétienté.
Michaël de Saint-Cheron va mettre vingt-sept ans avant de réaliser qu’il est juif de naissance et d’entreprendre une véritable téchouva. Entre-temps, d’abbayes en monastères et d’églises en temples, de Solesmes à Czestachova en passant par Hautecombe, le jeune homme, poussé par une foi profonde et une quête de spiritualité qui envahit toute son âme, envisage d’entrer dans les Ordres et de consacrer sa vie au Christ. C’est la rencontre avec une jeune femme, une musicienne coréenne, Séréna Ok-Wha, qui va bouleverser tous ses plans. « Dès les premiers mots avec elle, je sens la foudre me frapper » avoue de Saint-Cheron. L’amour humain triomphe sur celui du Christ. Michaël épouse Séréna qui lui donnera deux filles, Deborah et Sarah. Avec Séréna, il ira à la rencontre du bouddhisme de la Corée du Sud et, plus tard de l’hindouisme des Indes. Et c’est cet humaniste, pétri de chants grégoriens, de Yin, de Yang et de Qi, qui, un jour de Yom Kippour, en septembre 1982, pénètre dans la synagogue de la rue Montevideo. Comme Rosenzweig, 70 ans plus tôt, et comme Aimé Pallière, il est subjugué « Non, ce n’est pas un peuple fossile qui est là devant moi, debout, c’est un peuple ressuscité, en prière qui m’apparaît ». « Loin du monde bénédictin et franciscain, je reçois en plein cœur la révélation du peuple juif ». Juif de naissance, Michaël n’a pas à se convertir. Il normalise sa situation en décembre 1983 en se faisant circoncire. Il a vingt-huit ans. Son « chemin de Jérusalem » fourmille d’anecdotes et de portraits de personnages touchants : Emmanuel Levinas et Élie Wiesel, ses maîtres, le père Kolb, Édith Stein ou encore l’extraordinaire Aimé Pallière. Un témoignage exceptionnel.
Jean-Pierre Allali
Éditions Parole et Silence. Novembre 2006. 170 pages. 17€