Fini, dès lors le festival international de cinéma, abandonné le farniente. L’instinct professionnel reprend immédiatement le dessus. Il faut y aller.
Nous sommes le mercredi 12 juillet 2006, à l’aube. Une pluie de roquettes vient de s’abattre sur des localités du nord du pays. C’est l’affolement. Les habitants se terrent dans les abris. On le saura plus tard, c’est une manœuvre de diversion qui va permettre aux hommes de Hassan Nasrallah de kidnapper Ehud Goldwasser et Eldad Regev. Fidèle à sa stratégie de communication qui ne fait pas dans la dentelle, le groupe terroriste libanais pavoise sur Al-Manar : « En accord avec ses obligations, le Hezbollah a décidé de faire libérer prisonniers et détenus. Le mouvement a réussi à capturer deux soldats sur la frontière avec la Palestine occupée ». Réuni en urgence, le gouvernement israélien n’a pas tardé à prendre sa décision : la réplique sera la guerre.
Avec son amie Pil, entendez la journaliste Paule-Henriette Lévy, dont c’est le baptême du feu de reporter sur le front, Annette Lévy-Willard prend la route du Nord. Et tant pis pour les risques : « Les statistiques sont formelles : on a plus de chance de mourir dans un accident de voiture sur une route israélienne que dans un attentat suicide ou frappées par un missile du Hezbollah ».
Pendant trente-trois jours, la journaliste va suivre l’un des conflits les plus meurtriers de l’histoire du Proche-Orient. Sa relation, vivante, alerte, pleine d’anecdotes, est construite comme un journal de bord, au jour le jour. Les carences, désormais établies, de militaires de haut rang, tel le chef d’état-major, Dan Haloutz, qui manie la rodomontade avec art et prétend, au bout de quelques heures qu’Israël a gagné la guerre, sont narrées avec précision. En réalité, Israël va découvrir, peu à peu, que rien n’est joué. Le pays s’aperçoit avec stupeur « qu’une véritable armée campe sous ses fenêtres, invisible, enfouie dans des bunkers, avec des milliers de missiles de haute technologie_Fajr-5 ( à portée de 70 km) et Zelzal ( à portée de 120 km) livrés par l’Iran pour être un jour lancés sur « l’ennemi sioniste » ».
Contrairement aux prévisions des militaires israéliens qui croyaient s’en sortir en quelques heures, le conflit qui s’annonce ne sera pas une simple « opération », mais une guerre très dure. Les Israéliens, piégés, « se jettent aveuglément sur ce chiffon rouge que le Hezbollah agite devant le taureau-sans penser que le taureau peut s’énerver et foncer dans le tas ».
Partout, dans le Nord, c’est le bruit assourdissant des bombardements. Au sifflement terrifiant des Katiouchas répondent les tirs d’artillerie israéliens. Les Libanais, par centaines, paient le prix fort d’une guerre sans merci. Les Israéliens aussi qui, chaque jour, dans la presse, peuvent voir les photographies des victimes.
Le lundi 14 août, c’est enfin le cessez-le-feu. Qui a gagné ? Qui a perdu ? Chaque camp crie victoire. « Une vraie guerre finalement : les Israéliens ont fait 15 500 sorties aériennes sur le Liban, le Hezbollah a tiré 3790 missiles sur Israël. Parmi les victimes dans la population civile, 42 Israéliens et 1070 Libanais ont été tués. Pour les morts en uniforme, 120 soldats israéliens et seulement 65 miliciens tués-affirme le Hezbollah, qui se cache toujours-en réalité il aurait perdu plus de 500 hommes ».
L’auteur est très sévère avec les dirigeants politiques israéliens, notamment le Premier ministre, Ehud Olmert.
Force est de constater, un an plus tard, que malgré une certaine impopularité, le successeur d’Ariel Sharon est toujours aux commandes du pays.
Un livre très intéressant et très agréable à lire.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Robert Laffont. Février 2007. 298 pages. 19€