Une mémoire de papier - images de la vie juive en Belgique - Cartes postales XIXème-XXème siècles, par Philippe Pierret et Gérard Silvain (*)

Paradoxalement, alors qu’il avait pu présenter dans cet ouvrage des dizaines de cartes d’Afrique du Nord ou de France, la Belgique avait été en quelque sorte le parent pauvre de ce magnifique recueil. Le texte, signé Renée Rappaport-Lambert, condensé, mais très intéressant n’était assorti que de neuf illustrations ; une carte géographique, trois cartes « humoristiques » tendancieuses , quatre vues de synagogues: Bruxelles, Liège, Anvers, Arlon et une, enfin, d’Enghien en rapport avec la Belgique.

Pourtant, la Belgique, nous dit Philippe Pierret qui est l’auteur du texte d’accompagnement de ce nouvel ouvrage, a produit, depuis 1899, des millions de cartes postales. Le côté « judaïca », hélas, a souvent été minoré, voire ignoré, par les éditeurs.

Le travail de fourmi de Gérard Silvain permet de combler une lacune.

Si l’ouvrage se propose de donner un aperçu de la vie juive en Belgique aux XIXème et XXème siècles, il n’est pas inutile de rappeler que l’histoire de la communauté juive de Belgique, sans être très ancienne, remonte au XIIIème siècle. Le plus ancien témoignage dont on dispose est une pierre tombale datant de 1255. En 1492, des Juifs d’Espagne et du Portugal se sont réfugiés à Anvers rejoints, quelques siècles plus tard par des Juifs allemands. Plus près de nous, après les guerres israélo-arabes, des Juifs égyptiens ont choisi la Belgique. On note aussi l’arrivée de Hongrois et d’originaires du Congo. Il y avait 3000 Juifs en Belgique en 1830, 12 000 en 1902, 50 000 en 1920. De nos jours, essentiellement concentrés à Anvers et à Bruxelles, on compte quelque 40 000 Juifs.

Si, comme on l’a dit, les cartes postales sur les Juifs de Belgique ne sont pas nombreuses, rien n’empêche le collectionneur astucieux de déceler des traces de judaïsme : la rue des Juifs à Frasnes-lez-Buissenal, à Vance, à Eupen, Bourlers, Couvin, Forchies, Gerpinnes, Givry, Heer et ailleurs, les publicités pour la firme Siégel, la carte adressée à un monsieur Graziano Levi depuis Bruxelles, les propriétés des comtes Cahen d’Anvers, celle de M.Stern à Boitsfort, le château de Bischoffsheim, le château Philippson, l’Institut Montefiore-Lévi de Liège, les Grands Magasins Leonhard Tietz, les établissements Samdam, Guastalla, Lévy Finger et bien d’autres, les portraits de la baronne Clara de Hirsch, du Grand rabbin Élie Aristide Astruc, de Franz Wiener alias Francis de Croisset, dramaturge, romancier et librettiste qui connut son heure de gloire qui inspira Marcel Proust pour le personnage de Bloch ou encore du général Bernheim. Voici, également et dans un tout autre genre, lors du 14ème Concours Hippique International de Spa, le cavalier émérite et néanmoins financier Alfred Loewenstein sur son noble Conquérant. Ou encore les sculptures de Philippe Wolfers.

À la rubrique « Événements », toutes sortes de manifestations et festivités ont été immortalisées grâce à la carte postale : expositions, inaugurations, congrès…Plusieurs pages, c’était inévitable, sont consacrés aux cartes relevant de l’antijudaïsme chrétien et de l’antisémitisme moderne. L’ouvrage s’achève sur le thème religieux : cartes de vœux, scènes festives, rabbins, synagogues…

Avec patience donc, ce bel album nous raconte les Juifs de Belgique. À savourer sans modération.

(*) Éditions Luc Pire/Filipson. Avril 2009. 274 pages grand format.

(1) Éditions Astrid. 1980.