Fort de ses racines assumées, Victor Malka adresse, dans son nouveau livre, une lettre à ses « amis musulmans ». Une interpellation directe, franche et fraternelle. Que leur dit-il ? Sans enjoliver le passé, il se souvient de ses années passées au contact d’un « peuple, doux, gentil, plutôt pacifique, totalement doué pour la joie », et rappelle que les juifs peuvent revendiquer vingt siècles de présence au Maroc, qu’ils ont du quitter pour Israël, la France ou le Québec.
Ici et maintenant, se pose à nouveau le problème de la relation entre les juifs et les musulmans. Victor Malka demande : « Mais qu’est-il arrivé à certains de vos coreligionnaires pour qu’ils s’installent ainsi un peu partout aux premières loges de la haine des juifs ? Pour qu’ils ne songent plus qu’à nous opprimer ? Pour qu’ils se mettent à semer, à coups de bombes, comme à Casablanca, la douleur et le desespoir, autour d’eux ? Pour qu’ils deviennent les propagandistes et les courtiers par excellence des Protocoles des sages de Sion ? Pour qu’ils salissent par là même votre religion et sa réputation ? ».
Victor Malka constate: « Vos jeunes n’ont pas de mémoire, et c’est la responsabilité de vos anciens de ne pas avoir assuré cette transmission ». Il reprend à son compte l’inquiétude du roi Hassan II, qui avait déploré que la nouvelle génération marocaine ne connaissait plus « concrètement » les juifs.
Refusant toute fatalité et acceptation de l’échec, Victor Malka tend la main aux Musulmans et prend le « pari de l’intelligence », leur proposant un dialogue dans le respect des « identités respectives.». Pour que cette démarche ait quelque chance d’aboutir, il faut aussi que chacun balaie devant sa porte, et reconnaisse d’accepter d’apprendre de l’autre.
Victor Malka rappelle aussi le nouveau cadre : « Il vous faut accepter toutes les lois de la République, mais elles ne vous empêcheront pas de sauvegarder l’ancrage qui est le votre dans une foi et dans une culture. Il vous faut probablement dépoussiérer, pour les mettre à l’heure française, quelques-unes de vos coutumes. La bonne intégration ne consiste-t-elle pas à veiller à son intégrité sans verser dans l’intégrisme ? »
Martin Buber avait écrit : « Là où foi et amour existent, on peut résoudre toutes les contradictions, même celles qui semblent tragiques. » C’est dans ses traces que Victor Malka lance son appel à la rencontre avec ce livre tourné vers l’avenir, qui fait apparaître une nouvelle fois la sensibilité et l’érudition de son auteur.
Haim Musicant
Avons-assez divagué...Albin Michel, 2006,204 pages, 15 euros.