D’entrée de jeu, l’auteur pose les questions essentielles qui constitueront l’ossature de l’ouvrage : « Sommes-nous capables de reconnaître la vraie beauté ? », « Les critères absolus de beauté existent-ils réellement ? ». Et c’est non seulement en tant que chirurgien, mais surtout en tant qu’homme qu’il nous livre, peu à peu, au fil des pages, sa conception de la beauté.
Longtemps, on a considéré, à tort, que seul le physique détenait le monopole de la beauté. Des chiffres, des mensurations, définissaient des critères considérés comme sacro-saints. D’où la volonté, parfois frénétique, de certaines patientes de recourir à la chirurgie esthétique pour se rapprocher, du mieux possible, du « nombre d’or » des canons supposés de la beauté. Or, affirme avec conviction Jean-Claude Hagège, « la beauté ne s’achète pas par un lifting. Elle s’incarne dans l’animation d’un visage, c’est-à-dire dans ses expressions, dans les émotions exprimées ». Et, en direction des « accrocs » de la chirurgie esthétique et de celles qui recherchent désespérément des lèvres pulpeuses à l’image de telle ou telle poupée américaine de série télévisée : « Il n’y a plus de belles bouches, il y a de beaux sourires ». Pour définir ce que chacun est en droit d’espérer quant à son aspect physique, le docteur Hagège a inventé un concept révolutionnaire, celui de « SMIG-Beauté », Seuil-Minimum-Individuel –Garanti de beauté que toute personne peut légitimement demander à la chirurgie esthétique. Dans cet esprit qui traduit l’exception française, à l’opposé des demandes constatées en Europe de l’Est ou aux États-Unis, la requête qui revient le plus souvent dans la bouche des patientes tient en quelques mots : « Retirez ce qui me gêne ».
À l’opposé des « véritables patchworks humains », de ces femmes qui deviennent, à force d’interventions renouvelées et d’investissements démesurés, « pires que belles » et aussi parce qu’ « aucun lifting n’a jamais fait revenir un époux », Jean-Claude Hagège opte pour des « demandes saines », rejetant systématiquement les « demandes obsessionnelles ».
Dans cette quête tout à la fois morale et raisonnée d’un but profondément humain à sa spécialité, le docteur Hagège n’est-il pas en train de « cracher dans la soupe », de « scier la branche sur laquelle il vit » ?. Non, rétorque-t-il, « je pense sincèrement que le pouvoir du chirurgien esthétique est démesuré » et, s’adressant à certains confrères, il leur lance : « Descendez de votre piédestal ! Vous ne possédez pas les critères de la beauté, vous n’êtes pas détenteurs de la beauté des femmes ! Cette beauté leur appartient ».
Le professeur Raymond Vilain, célèbre chirurgien plasticien, aimait dire qu’un chirurgien esthétique doit opérer pour trois raisons :
-par intérêt scientifique
-pour gagner sa vie
-pour le service rendu à ses patientes
et concluait : « S’il n’opère que pour une seule de ces trois raisons, il est dangereux ». Manifestement, Jean-Claude Hagège partage le point de vue de son illustre confrère.
« À la différence du nombre d’or qui définit une harmonie universelle, chaque visage a son propre nombre d’or, sa propre harmonie ». C’est cette dernière qu’il faut aider la patiente à définir et à atteindre. Mon livre, conclut le docteur Hagège « est un appel pour que la beauté garde son humanité ». Un credo qui mérite d’être entendu et qui ouvre des débats pour le moins passionnants ?
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Odile Jacob. Avril 2010. 160 pages. 17,90 euros
(1) Éditions N°1, 1989
(2) Éditions Albin Michel, 1993
(3) Éditions Odile Jacob, 2003
(4) Éditions Odile Jacob, 2004
(5) Éditions Odile Jacob, 2006
Photo : D.R.