A lire, à voir, à écouter
|
Publié le 8 Août 2007

Vous êtes belle ! Par Jean-Claude Hagège (*)

Les questions de beauté sont-elles définitivement futiles ou peut-on aussi les aborder avec le regard du philosophe, voire du penseur juif ?


Jean-Claude Hagège, qui est l’un des praticiens de la chirurgie esthétique les plus connus considère que parce qu’il a vécu au sein d’une famille juive tunisienne chaleureuse et protectrice et parce qu’il a fait ses études secondaires à l’école de l’Alliance Israélite, il s’est formé une perception de la beauté qui doit, selon lui, « être fonction d’un certain mérite et non pas acquise à la naissance ».
« Mon identité juive, explique-t-il, m’a permis d’aller plus loin et d’avoir encore plus de discernement dans la recherche du beau. D’une manière générale, dans le judaïsme, on devient beau par les mitsvot, la tsédaka et l’altruisme. Dans la Bible, il est dit que le Cohen Gadol devait être grand et beau. S’agit-il de critères physiques ? Non, cela signifie qu’il avait sur son visage une expression telle que tout le monde se sentait proche de lui. » Et d’ajouter : « Pour Emmanuel Levinas, la beauté se trouve dans une personne authentique et vraie. Je suis habité par cette définition » (1)
De fait, on retrouve souvent des considérations relatives à la beauté dans les textes juifs fondamentaux. Ainsi, de Rabbi Yohanan bar Narphela, le Talmud (Traité Baba Metsi’a-34) nous dit : « Si l’on veut contempler une beauté comparable à celle de rabbi Yohanan, qu’on prenne un gobelet d’argent à peine sorti des mains d’un orfèvre, qu’on le remplisse de grains d’une grenade rouge, qu’on l’orne de roses rouges et qu’on le pose entre ombre et soleil. Ainsi l’on aura un simple reflet de ce que pouvait être la beauté de Rabbi Yohanan ».Une légende raconte même que Yohanan pouvait éclairer une salle obscure rien qu’en brandissant son bras nu tant sa peau était blanche et lumineuse.
Le Cohen Gadol ou Yohanan sont des exemples masculins de beauté « biblique ». L’ouvrage de Jean-Claude Hagège est consacré, on s’en doute à la beauté des femmes de nos jours. Et bien qu’il reconnaisse que 7% de la clientèle des chirurgiens esthéticiens soient des hommes et qu’il déclare généralement : « Vous êtes beaux. Vous êtes belles », son ouvrage, la couverture le montre bien, s’adresse essentiellement aux femmes.
Après une introduction qui est une forme de remontée dans le temps à la recherche des canons de la beauté dans toutes les civilisations depuis l’antiquité, canons qui ont varié d’un siècle à l’autre et d’un pays à l’autre (il fut un temps ou être enveloppée était un critère de beauté), l’auteur introduit une notion de SMIG (Seuil Minimum Individuel Garanti) de la beauté, à la manière du SMIG (Standard Minimum Individuel Garanti) de bonheur d’Hervé Chneiweiss.
Il s’élève avec véhémence contre la mode actuelle qui met l’accent sur des mensurations avec des considérations purement mathématiques qui n’hésitent pas à se référer au fameux « Nombre d’Or », sésame architectural de la proportion idéale. Pour lui, « Comme toute idolâtrie, l’idolâtrie de la beauté plastique est condamnable en tant que telle ; elle incarne en quelque sorte la régression de notre civilisation ».
Or la beauté ne tient pas à des mesures chiffrées. Elle réside dans l’expression, dans le sourire, dans le naturel. Il faut oser être soi.
S’il cite volontiers Emmanuel Levinas, Tristan Bernard, Claude Olievenstein, Boris Cyrulnik et Jean Baudrillard, l’auteur préfère in fine prendre pour référence son quasi homonyme, Juif tunisien comme lui, le linguiste Claude Hagège. « Il se bat, lui, pour la diversité des langues. Moi, je me bats pour la diversité de la beauté.
Cela signifie-t-il qu’il faut cesser toute intervention ? Est-ce la mort du lifting et de la liposuccion ? Certes non. Mais il convient, plus que jamais, d’être circonspect, de réfléchir à deux fois, de consulter plusieurs spécialistes avant de prendre sa décision. Car à la beauté purement technique et chiffrée, il convient d’opposer la beauté émotionnelle. Il ne faut pas oublier que notre visage comporte vingt-sept petits muscles, qui, de chaque côté de notre face, concourent à dessiner nos mimiques. Ce sont les muscles peauciers qui sont elliptiques, ronds et concentriques alors que tous les autres muscles de notre corps sont longs. Le secret du parfait sourire qui traduit votre personnalité profonde est dans la maîtrise de ces vingt-sept minuscules acteurs.
Existe-t-il un fluide, une substance chimique, une hormone hypothétique qui circulerait dans notre corps lorsque notre visage est animé par une expression vraie, jusqu’à nous mettre dans une sorte d’état de grâce ? Jean-Claude Hagège en est persuadé et la nomme, en attendant des progrès scientifiques à venir, l’ « émotine ».
On le voit, le secret de la beauté n’est pas encore entièrement percé. En attendant, il faut vivre, le plus harmonieusement possible. Sans tomber dans les travers de la course à la perfection factice.
« La surenchère dans la course à la beauté porte en elle-même sa propre défaite. Aujourd’hui, la beauté physique a atteint ses limites. Elle perdra la guerre un jour ou l’autre : c’est une nécessité »
Original et intéressant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Odile Jacob. Octobre 2006. 178 pages. 19,50€
(1) Voir Tribune Juive. Mars 2007.