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Publié le 28 Novembre 2005

Watermarks, Un film de Yaron Zilberman


EN SALLE LE 28 JUIN


Ces championnes de natation faisaient partie du club sportif juif Hakoah de Vienne, dissous en 1938 par les nazis. Soixante cinq ans plus tard, huit survivantes reviennent nager dans la piscine des exploits de leur jeunesse. Une victoire de la vie et de l’optimisme à ne pas rater.


Tout commence en 1909 à Vienne, capitale de l’Autriche-Hongrie. François-Joseph règne sur cet empire qui vient d’annexer la Bosnie, avec sa femme Elisabeth, que Romy Schneider popularisera dans les films consacrés à Sissi. On danse la valse au son des compositions de Johann Strauss, on écoute la musique de Gustav Mahler, on lit Rainer Maria Rilke et on se passionne pour les travaux de Sigmund Freud. Un journaliste viennois Theodor Herzl avait pris conscience de l’antisémitisme… à Paris, en couvrant le procès du capitaine Alfred Dreyfus pour son journal.

La haine des juifs n’est pas absente dans ce pays qui se veut insouciant. Un décret empeche les juifs de faire partie de clubs sportifs. Des juifs viennois décident de fonder Hakoah, la force en hébreu. Dans les premières années, il se distingue par son club de football, qui va battre West Ham par 5 à O sur le sol anglais dans une préfiguration de la champions league. L’équipe est décimée quand les vainqueurs acceptent de poursuivre leur carrière aux Etats-Unis.

Hakoah met alors l’accent sur sa section de natation, qui, très vite, devient la référence sportive de toute l’Autriche. Ses nageuses, particulièrement performantes, gagnent les compétitions nationales, et battent des records, arborant fièrement un maillot frappé du Maguen David, l’étoile de David. En 1936, certaines d’entre elles sont sélectionnées pour les jeux olympiques de Berlin. Elles refusent de défiler devant Hitler au stade de Berlin. La sanction sans appel tombe vite : les nageuses juives sont exclues de la délégation nationale et leurs records annulés.


Le 10 avril 1938, plus de 99 % des Autrichiens approuvent par referendum l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. L’ordre nazi règne .Comme toutes les autres associations juives, Hakoah est dissous. Les responsables du club anticipent la tragédie et organisent le départ des sportifs avant que la guerre n’éclate.


Le réalisateur israélien Yaron Zilberman est allé à la recherche des survivantes de l’Hakoah. Il a retrouvé huit de ces sirènes en Israël, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, pour les filmer. Soixante – cinq ans plus tard, les « mamies nageuses » sont restées des battantes. Elles racontent avec humour et grâce leur vie dans la Vienne d’avant-guerre : un judaïsme bien intégré, confronté à l’antisémitisme et qui y faisait face avec courage. Depuis, Greta, Elisheva et les autres se sont reconstituées. En Israël, l’une d’entre elles connaît depuis peu une romance avec un de ses camarades de Hakoah, qu’elle avait ignoré dans les années 30.

Yaron Zilberman ne s’est pas contenté de recueillir des témoignages de ces femmes, qui ont traversé les années et les épreuves avec force, optimisme et humour. Il a voulu leur proposer de revenir avec lui à Vienne pour nager dans leur ancienne piscine d’Amalienbad. Toutes, y compris l’une d’entre elles, qui a perdu la vue, ont accepté de faire le voyage. Avec beaucoup de sensibilité, Yaron Zilberman montre, dans la deuxième partie de son film ce retour et la confrontation avec l’Autriche et les Autrichiens du 21 eme siècle.

Produit par Yonatan Israël et Paul Rozenberg, « Les sirènes de l’Hakoah » ont reçu plusieurs prix, dont celui du festival du film de Jérusalem et du public des rencontres internationales de cinéma de Paris.

Il n’y a aucune raison de se priver de ce film émouvant et joyeux, qui est aussi une belle leçon d’espoir donnée par des octogénaires.
A voir à Paris (L'Arlequin, le Publicis Champs-Elysées), à Marseille (Le César), à Toulouse (ADC), à Lyon (Le CNP).


Haim Musicant